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Catalogue festival Guédiguian 2012 - Ciné Meaux Club

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ARTICLE D’ALAIN MASSON PARU DANS POSITIF<br />

199, NOVEMBRE 1977<br />

La musique et les sentiments (New York, New<br />

York) de Martin Scorsese<br />

Dans New York, New York, l’allusion au musical<br />

est singulièrement riche et diversifi ée : la<br />

foule des premiers plans évoque les numéros<br />

que Busby Berkeley fi lmait pour la Warner au<br />

début du parlant ; immédiatement après, le<br />

vaste décor d’une salle de danse où se produit<br />

un orchestre swing fait songer aux Broadway<br />

Melodies ou aux fi lms d’Eleanor Powell qui ont<br />

précédé la guerre ; l’atmosphère nocturne des<br />

rues de New York vient de Cover Girl et de It’s<br />

Always Fair Weather ; le fi lm imaginaire cité a la<br />

vivacité plébéienne, l’éclatant bariolage et l’esthétique<br />

sommaire d’une comédie musicale de<br />

la Fox, au début des années cinquante ; l’image<br />

où un cercle de lumière isole Liza Minnelli qui<br />

chante seule dans un studio désert rappelle<br />

le mythe de Judy Garland, et en particulier A<br />

Star Is Born ; enfi n le numéro qui a donné son<br />

titre au fi lm présente une gesticulation plus inventive,<br />

proche de la manière du chorégraphe<br />

Eugene Loring, dans Funny Face, par exemple.<br />

La diversité de l’allusion devient d’ailleurs ellemême<br />

une allusion : New York, New York se<br />

défi nit ainsi comme une biographie d’artiste<br />

de music-hall. Il s’agit-là d’un véritable genre<br />

cinématographique, variante de comédie musicale<br />

de coulisses ; de The Jazz Singer aux tout<br />

récents Star ! (Robert Wise, 1968), Funny Girl<br />

(William Wyler, 1968) et Funny Lady (Herbert<br />

Ross, 1974), ce genre a déjà une assez longue<br />

vie. On peut le caractériser assez rapidement<br />

: tout d’abord son héros, historique ou<br />

imaginaire, y est toujours saisi dans une fonction<br />

de création ; son génie ne justifi e pas à lui<br />

seul l’attention qu’on lui accorde, il faut que ce<br />

génie soit unique ; ce qui fascine, c’est une origine.<br />

Le temps de l’histoire est par ailleurs beaucoup<br />

plus long que dans une comédie musicale,<br />

et les héros ne manqueront pas de recevoir des<br />

marques, caractéristiques mais discrètes, de<br />

vieillissement ; pour la même raison, des événements<br />

qui ont valeur terminale dans une comédie<br />

musicale, le succès, le mariage, etc. restent<br />

tout à fait transitoires dans la biographie<br />

musicale. L’un des éléments caractéristiques<br />

du scénario est la présence au beau milieu de<br />

l’histoire d’un événement douloureux et insurmontable<br />

: l’accident de Cole Porter dans Night<br />

ARTICLE DANS POSITIF<br />

91<br />

and Day (Michael Curtiz, 1946), la blessure morale<br />

que reçoit Marty (James Cagney) lorsqu’il<br />

s’aperçoit que Ruth Etting (Doris Day) n’est pas<br />

sa créature, dans Love Me or Leave Me (Charles<br />

Vidor, 1955), la mort de Vernon dans The Story<br />

of Vernon and Irene Castle (H. C. Polter, 1939),<br />

celle de la première épouse du héros (Kim<br />

Novak), dans The Eddy Duchin Story (George<br />

Sidney, 1955), les diffi cultés familiales de la protagoniste<br />

dans Gypsy (Mervyn Le Roy, 1962).<br />

On peut également considérer comme typique<br />

du genre l’usage de séquences chargées<br />

d’évoquer synthétiquement une série d’événements<br />

: ils n’ont guère d’unité de lieu, ne s’enchaînent<br />

pas dramatiquement, le fondu enchaîné<br />

et la répétition jouent un grand rôle, les<br />

moyens de transports sont souvent présents<br />

pour manifester une trajectoire et les journaux<br />

pour suggérer une appartenance à l’Histoire.<br />

Une séquence de ce type résume la carrière des<br />

Castle, elle s’achève par l’image de Fred Astaire<br />

et Ginger Rogers dansant sur la carte des Etats-<br />

Unis. Le fonctionnement esthétique de la biographie<br />

musicale peut être décrit comme ceci<br />

: il s’agit d’emprunter à la comédie musicale<br />

de coulisses son univers de convention, qui<br />

justifi e à peu de frais les numéros musicaux, et<br />

de faire contraster ce petit monde étroitement<br />

normalisé avec une vraisemblance plus large et<br />

plus lâche, qui se donne comme l’authenticité<br />

du vécu. Voilà qui explique le caractère central<br />

du coup de force du destin, du « malheur qui<br />

frappe à la porte de façon tout à fait inattendue<br />

», indispensable intrusion du sérieux dans<br />

le scénario de ces fi lms. Dans l’histoire du<br />

music-hall, ils ont eff ectivement été produits à<br />

des moments où il a paru nécessaire de réfuter<br />

le reproche de frivolité qui pesait sur la comédie<br />

musicale : à sa naissance, à sa mort, et d’une<br />

manière encore plus signifi cative pendant la<br />

Seconde Guerre mondiale.<br />

Cette esquisse permet de situer le fi lm de Scorsese<br />

: apparemment fi dèle aux principaux impératifs<br />

du genre, il note le vieillissement de<br />

ses personnages, avec discrétion mais avec netteté<br />

; il introduit des événements sérieux, mariage,<br />

naissance, il insiste sur une séparation<br />

défi nitive, il utilise la séquence synthétique, il<br />

donne pour transitoires le succès, l’amitié et le<br />

mariage. Comme il arrive souvent, il présente<br />

une image riche et diversifi ée du spectacle :<br />

d’une part, il existe une hiérarchie sociale qui<br />

sépare les salles de danse de province du grand<br />

cabaret new-yorkais ou le bouge des bas quar-<br />

<strong>Catalogue</strong> <strong>festival</strong>.indd 91 18/01/<strong>2012</strong> 02:06:55

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