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Catalogue festival Guédiguian 2012 - Ciné Meaux Club

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EXTRAITS DE L’ARTICLE DE JEAN A. GILI PARU DANS<br />

POSITIF N°583, SEPTEMBRE 2009<br />

La mort n’éblouit pas les yeux des partisans<br />

En tournant son fi lm, <strong>Guédiguian</strong> n’ignorait pas<br />

qu’il s’attaquait à une matière devenue légende<br />

par le souvenir de la fameuse « affi che rouge<br />

», qui off rait à la vindicte des collaborateurs le<br />

portrait de 10 des « libérateurs » et 5 images de<br />

leurs méfaits. Et puis, surtout, il y avait la lettre<br />

écrite à son épouse, juste avant de mourir, par<br />

Missak Manouchian, un message d’espérance<br />

contenant la célèbre phrase : « Je meurs sans<br />

haine pour le peuple allemand » (légèrement<br />

modifi é par rapport au texte original). « Ma<br />

chère Méliné, ma petite orpheline bien aimée.<br />

Dans quelques heures, je ne serai plus de ce<br />

monde. […] Bonheur à ceux qui vont nous<br />

survivre et goûter la douceur de la liberté et<br />

de la paix de demain. Je suis sûr que le peuple<br />

français et tous les combattants de la Liberté<br />

sauront honorer notre mémoire dignement.<br />

Au moment de mourir je proclame que je n’ai<br />

aucune haine contre le peuple allemand et<br />

contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il mérite<br />

comme châtiment et comme récompense.<br />

Le peuple allemand et tous autres Peuples vivront<br />

en paix et en fraternité. » Strate supplémentaire<br />

de mémoire, c’est en s’inspirant de ce<br />

texte qu’Aragon écrira le poème L’Affi che rouge,<br />

exaltant le souvenir des 23 résistants fusillés<br />

par les nazis le 21 février 1944. Plus tard, ce texte<br />

sera mis en musique et chanté par Léo Ferré,<br />

dans une de ces interprétations qui touchent à<br />

l’essentiel d’une expérience humaine marquée<br />

par le tragique.<br />

Le fi lm de <strong>Guédiguian</strong> s’inscrit dans cette approche<br />

qui retrouve le poids d’exaltation et de<br />

souff rance d’une entreprise désespérée. Dans<br />

une ville comme Paris, les Allemands étalent<br />

leur force en s’appuyant sur une police parisienne<br />

essentiellement dévouée (le fi lm souligne à<br />

plusieurs reprises le zèle de la police française<br />

dans la traque des terroristes ou dans la rafl e du<br />

Vel d‘Hiv). Les occupants mettent tout en œuvre<br />

pour démanteler les réseaux de résistance<br />

: ils confi ent aux Français la basse besogne de<br />

torturer avec une effi cacité qui vaut aux fonctionnaires<br />

de la Préfecture les compliments des<br />

offi ciers nazis, admiratifs.<br />

ARTICLE DANS POSITIF<br />

64<br />

<strong>Guédiguian</strong>, au long d’un fi lm à la pâte romanesque<br />

et travaillée avec soin, où les gestes héroïques<br />

sont amenés sans pathos et les détails<br />

de la vie quotidienne captés sans insistance,<br />

suit le parcours d’individus à la merci d’une<br />

concierge délatrice, d’une femme coquette,<br />

d’un policier opportuniste, de tous ces pièges<br />

qui fi nissent par faire tomber le groupe. Pour<br />

ceux qui résistent à la torture il y a aussi ceux<br />

qui parlent (Malraux les avait absous dans son<br />

oraison funèbre, lors du transfert des cendres<br />

de Jean Moulin au Panthéon) et qui permettent<br />

d’identifi er des gens arrêtés qui auraient pu demeurer<br />

anonymes. L’étau se referme et les combattants<br />

de l’ombre se retrouvent devant un peloton<br />

d’exécution. La victoire a provisoirement<br />

trouvé son camp mais, quelques mois plus tard,<br />

l’armée du crime – l’armée des ombres – rejoindra<br />

la mémoire de ceux qui ont abattu une des<br />

formes du mal absolu.<br />

Dans un fi lm spectaculaire qui utilise les ressources<br />

d’une reconstitution soigneuse, où la<br />

recherche des lieux réels s’accompagnent d’effets<br />

numériques pour faire disparaître toute<br />

trace d’anachronisme, le cinéaste donne à voir<br />

ce que les « étrangers » ont fait pour une France<br />

qui n’hésitait pas à priver de citoyenneté des<br />

individus pourtant naturalisés depuis près de<br />

vingt ans. C’est par là que L’Armée du crime acquiert<br />

sa nécessité profonde, par sa description<br />

limpide d’un combat mené par des hommes de<br />

toutes origines, « un exemple, souligne <strong>Guédiguian</strong>,<br />

dans notre monde actuel d’inégalités<br />

criantes, de replis communautaires et religieux ».<br />

Jean A. Gili<br />

<strong>Catalogue</strong> <strong>festival</strong>.indd 64 18/01/<strong>2012</strong> 02:06:48

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