Catalogue festival Guédiguian 2012 - Ciné Meaux Club
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Minuit, le Terrain Vague d’Eric Losfeld, POL et<br />
aujourd’hui Jean-Michel Place — aient croisé le<br />
chemin de Positif ne saurait surprendre. Comme<br />
le fait que de nombreux collaborateurs<br />
anciens et présents soient également poètes,<br />
romanciers ou essayistes, de Frédéric Vitoux<br />
à Jean-Philippe Domecq, de Gérard Legrand<br />
à Emmanuel Carrère, de Jean-Loup Bourget à<br />
Petr Král et à Robert Benayoun.<br />
Il fut parfois fait grief à la revue de négliger le<br />
cinéma français. Faux procès. Mais c’est sans<br />
doute à son esprit internationaliste que l’on<br />
doit une attitude plus circonspecte et une volonté<br />
de juger la production nationale à l’aune<br />
de celle des autres pays, sans la complaisance<br />
trop courante, l’esprit Samu ou la politique des<br />
copains. Si, par exemple, la Nouvelle Vague<br />
ne fut pas acceptée en bloc (le package deal<br />
alors d’usage) comme un phénomène révolutionnaire<br />
prodigue en mille talents (dont<br />
la carrière pour beaucoup fut d’ailleurs éphémère),<br />
on trouvera dès leurs débuts des éloges<br />
de Truff aut pour Tirez sur le pianiste, de Demy<br />
pour Lola, de Rivette pour Paris nous appartient,<br />
même si Godard est resté le point aveugle de<br />
Positif. Plus proche, on s’en doute, était le groupe<br />
de la « Rive gauche », Marker, Resnais, Varda,<br />
Franju. Et il fallait aussi soutenir les solitaires qui<br />
ne bénéfi ciaient pas du snobisme associé à un<br />
groupe avec ses trafi cs d’infl uence, les Sautet,<br />
Deville, Cavalier et autres Pialat.<br />
Les étiquettes sont sécurisantes. Positif déroute<br />
les amateurs de rangement et de classifi cations,<br />
déplaît à certains pour sa liberté de manoeuvre.<br />
Trop théoricienne ou pas assez, c’est<br />
selon. Et puis ces intellectuels, coupeurs de<br />
cheveux en quatre, qui se délectent des labyrinthes<br />
de L’Année dernière à Marienbad, des<br />
spéculations de Raoul Ruiz ou des jeux piégés<br />
de Peter Greenaway, mais qui défendent aussi<br />
bien le fi lm d’horreur de la Hammer ou Le<br />
Voyeur de Michael Powell, unanimement rejeté<br />
à l’époque par la presse «sérieuse », que la<br />
comédie italienne méprisée dans son âge d’or,<br />
en deçà aussi bien qu’au-delà des Alpes ! Des<br />
porteurs de valise du FLN et des signataires du<br />
Manifeste des 121 chantant les louanges des<br />
westerns d’Anthony Mann ou des comédies de<br />
Blake Edwards, ces «opiums du peuple », sans<br />
trouver obligatoirement des vertus aux fi lms<br />
du tiers monde! Il est toujours dangereux de<br />
ne pas être synchrone avec la mode, d’explorer<br />
les contours d’un cinéma à venir, au risque<br />
d’être qualifi é d’élitiste ou de raviver des plai-<br />
POSITIF : 60 ANS DE CRITIQUE DE CINÉMA<br />
74<br />
sirs anciens trop vite pris pour un goût rétro.<br />
Les années soixante voient le triomphe d’un<br />
unanimisme critique. Des confrères naguère<br />
peu politisés et moins curieux du cinéma étranger<br />
(hormis Hollywood) se découvrent des préoccupations<br />
idéologiques et une vraie curiosité<br />
cinéphilique. Ils rejoignent Positif sur ses positions<br />
de toujours. Cette décennie prodigieuse<br />
voit la défense pêle-mêle de ce qui se fait de<br />
plus novateur dans le cinéma mondial : renouveau<br />
polonais avec Polanski et Skolimowski,<br />
hongrois avec Jancsó, Gaál et Szabó, russe<br />
avec Tarkovski, Iosseliani et Panfi lov, italien<br />
avec Bellocchio, Bertolucci et Mingozzi, brésilien<br />
avec Rocha, Guerra et Diegues, tchèque<br />
avec Forman, Passer et Chytilova. Positif et les<br />
Cahiers lancent leurs semaines de fi lms inédits<br />
qui concrétisent dans la programmation cette<br />
volonté de découverte. La fi n de la décennie et<br />
le début de la suivante voient la revue d’en face<br />
se fi ger dans le garde-à-vous maoïste, réduire<br />
son pré carré à Godard-Gorjn, Straub-Huillet et<br />
au Détachement féminin rouge, faire ses choux<br />
gras (avant de faire chou blanc) de la Révolution<br />
culturelle et lire en choeur Pékin Information à la<br />
gloire des camps de travail : aux résistants de la<br />
dernière heure que caractérise toujours l’excès<br />
de zèle, Positif, tout en participant activement à<br />
Mai 68 qu’elle accueille, ravie mais non surprise,<br />
tant ce mouvement de révolte incarnait l’esprit<br />
qui l’animait, maintient la barre malgré les quolibets<br />
de donneurs de leçons défi nitivement<br />
acquis aux vertus des gardes rouges. C’est dans<br />
ce climat vicié où, la guerre du Viêtnam aidant,<br />
l’antiaméricanisme fait rage, que Positif se refuse<br />
à associer dans l’opprobre les cinéastes d’outre-<br />
Atlantique qui, précisément, ne partagent pas<br />
les valeurs dominantes de leur société et renouvellent<br />
les formes et les thèmes du cinéma hollywoodien<br />
Altman, Heilman, Scorsese, Coppola,<br />
Rafelson, Schatzberg, Pollack, Malick, De Palma.<br />
Le calme, hélas, revient après la tempête. Mais<br />
si les aff rontements sont moins voyants, les<br />
luttes sont tout aussi nécessaires. C’est que le<br />
contexte a changé. Positif était née à une époque<br />
de cinéphilie profonde et intense, nourrie<br />
par l’extraordinaire activité des fédérations de<br />
ciné-clubs. Dans chaque ville — même d’importance<br />
très relative — il était possible de<br />
découvrir régulièrement les classiques du cinéma.<br />
Ce tissu culturel avait permis la naissance<br />
d’une multitude de revues. Certaines, dans les<br />
années cinquante et soixante, se trouvaient<br />
proches de Positif, comme La Méthode de René<br />
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