Téléchargement complet de l'ouvrage - Les Bibliothèques Virtuelles ...

34S2. LE RECVEIL
lufques à vous aimer ; Amour, qui n'a point d'yeux, ^
Qui tous les. iours transforme en cent fortes nouuelles, ^
xAigle,Cygne, Taureau, ce grand maiflre des Dieux,
Tour le rendre amoureux de nos femmes mortelles.
B E L L E A V.
'Autre ( l'en mre Amour ] Ij refpond à fa Dame,laquelle ne fe pouuoit perfuadcr d'eftrc aimée de luy : pout
l'affeurer du contraire, il iure par la puiffance d'Amour , ferment affez léger pour adioufter peu de foy aux parolles
des amoureux. Dauantage , il dit auoir efté tellement enchanté par le regard de fes yeux , qu'il ne pourroit
eftre épris d'autre feu.Il dit auffi qu'Amour eftant aueuglc n'a point cfgard à la grandeur ou à la petiteffe
dc ceux, lefquels tombent cn fes liens, & qui font naurez de fes traits : par vne comparaifon de Iupiter , lequel
daigna bien fe deguifer fous le plumage d'vn Cygne pour plus feercttement prendre fon plaifir auecques Leda,
& emprunter la figure d'vn Taureau pour rauir la belle Europe, toutes deux femmes mortelles &de petite
eftoffe au regard de la grandeur d'vn tel Dieu. Properce fur ce propos.
Nam ymd ego heroas , quid raptem m crimina diuos ?
IupPiter mfamat féaue fukmtpue domum.
Amour m'a fait défendre] Semblable exeufe cn Horace.
Nefit ancill* tibi amor pudori,
Xanthia Phoceu : prias infolentem
Sema Srifeis nmeo colore
Motut Achillem,
Les brides de mon ame] Cefte façon de parler eft prife de Platon,lequel fait vne comparaifon de 1a Raifon.au
Cocher qui tient les cheuaux cnbridcpour traincr la coche, par laquelle il vouloit figurer le corps, & parles
deux cheuaux,!' vn blanc & l'autre noir,la bonne & mauuaifc volonté.
XXX.
As !pour vous trop aimer ie ne vous puis aimer :
Car il faut en aimant auoir diferetion,
Helas! ie ne I'ay pas : car trop d'affeèlion
Me vient tropfollement tout le cur enflammer.
D'vnfeu defeff>eré vous faites conflommer
Mon cnur que vous brûlez, fans intermijjion,
Etfi bien la fureur nourrit mapajjion
Que la raifon me faut, dont ie me deuffe armer.
x^ih !guarijfezj-moy donc de ma fureur extrême,
Afin qu'auec raifon honorer ie vous puiffe,
Pu pardonnez, au moins mes fautes àvous-mefme,
Et le péché commis en taftantvoftre cuiffe :
Car ie neuffe touché en lieu fi deffendu, ,
Si pour trop vous aimer monfins ne fuft perdu.
B E L L E A V.
Ionpour liotn trop aimer ]I1 fecouutc d'vne honnefte exeufe contre le mauuais vifage de fa Maiftreffe qui
eftoit courroucée contre luy, pource que maugré elle, il luy auoit tafté la cuiffe , difant qu'il faut qu'elle luy ,
pardonne comme à celuy qui eft efgaié de la raifon & qui eft hors de fentiment: car U trop grande affe&ion '
qu'il luy porte a tellement aliéné fon efprit, qu'il ne luy refte que fa fureur pour guide & pour compaigne. Ec
que fi elle veut qu'il fe porte plus modeftement en fon endroit, il faut qu'elle le guariffe, eftant cn fa puiffanco
dc luy donner le vray remède pour le tirer hors dc fa fiéure.
XXXI.
Ma belle e^Maiftreffe , à tout le moins preneT *
De moy voflrefleruant ce Rojfignol en cage:
Il eft mon prifonnier , ($rie vis enferuage
Sous vous, quifins mercy en prifion me tenez,:
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours