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ORAISON F VNEBRE.
les rnftrumens & les organes des Dieux. Au moyen dequoy cefte fcicnce ne dcpcn-"
dntla^
& confia l'inuention, Se nonpasenla rccordat.on des cho(es,il fcmb* que
ktohnentderouiene luy efl point particulièrement neceflYre, comme eftant
confacrTà la mémoire & au reffouuemr. De manière qu'il ne faut nullement rrou-
^eton*^Te Pere des Poëtes qui eftoit inflruit du Ciel & auoit vne fource de
Ué^ÙL!ca\^mcÇmc\'c^ po affilé de l'entier.vlage de celle
faculté pour apprendre de la conférence d'autruy ce qui deuoit prôner de fon
feul Génie, Se de fa propre infpiration. Car comme les habitans de 1 Ifle oc Candie,
quand ils erigeoient des flatuës à Iupiter, les faifoient toufiours deftituees doreil-
?cs, pourdonnerà entendre au peuple, que celuy a qui il appartenoit de fçauoir
toutes chofesdeluy-mefme,ilnefalloit point qu il eut doreffies pour apprendre
Tiendcperfonne. Ainfi ce grand Ronfard, qui pai: vn inftinu dmin, &parvne
fcienceinfufercceuoit l'intelligence des myfteres de la Poëfie , lefquels il deuoit
annoncer Se expofer aux hommes de fa nation, il n efloit point befoin qu il euft
d'ouye pour recueillir aucune inflrudion de la bouche des autres luy qui portoit
Mcole&ladifcipline des principaux fecretsde fonart en luy- mefmc,& eftoit en-
feigne de Dieu particulièrement Se immédiatement , non point par des oreilles^
charnelles Se matérielles, mais par les oreilles du cur, & par les oreilles delà penfee
Bien-heureux efchange de l'ouye corporelle à l'ouye fpintuellc : bien-heureux
efchanee du bruit Se du tumulte populaire à l'intelligence de la M ufique Se de l'har¬
monie des Cicux,& à la cognoiffance des accords & des compofitions de l'ame.
Bien-heureux fourd,qui as donné des oreilles aux François , pour entendre les oracles&
les myfteres de la Poëfie. Bien-heureux fourd, qui as tiré noftre langue
hors d'enfance , qui luy as formé la parole , qui luy as appris à fe faire entendre
, parmy les nations eflrangeres. Ceft ce grand Ronfard, qui a le premier chaffé la
furdité fpirituelledes hommes de fa nation , qui a le premier fait parler les Mufes
en François, qui a le premier eftendu la gloire de nos paroles. Se les limites de noftre
langue. C'eft luy qui a fait que les autres Prouinces ont ceffé de l'eflimer barbare,
Se fe font rendues curieufesde l'apprendre Se de l'enfeigner, Se qu auiourd'huy on
cn tient cfcole iufques aux parties de l'Europe les plus efloignées, iufques en la
Morauie, iufques en la Pologne , Se iufques à Danfich , où les Çuures de Ronfard fe
îifent publiquement. Somme fi noftre langue a quelque chofe dequoy fe compa-
rcr,dequoy fc vanter, dequoy triompher à l'endroit des langues eflrangeres , fi elle
a quelque luftre, quelque fplendeur, quelque ornement, c'eft à la feule mémoire
de Ronfard qu'elle efl tenue de tout ceft auantage. Quelle chofe donc ferons-
nous pour célébrer dignement ce que nous auons receu de luy ? Quels Tombeaux,
quelles Statues, quelles Colonnes, quels Temples, quels Autels luy edifieronsnous?
Quelles fleurs, quelles offertes, quelles effu fions efpandrons-nous fur fa
lepulture ? En combien de parties diuiferons-nous fes os Se fes cendres, commeles
Egyptiens diuiferent les membres d'Ofiris leur patron Se leur bien- fadeur, à fin
que chaque Prouince de ce Royaume puiffe jouir d'vne portion de fes reliques,
pour leur ériger des fepulchres& des monumens par tous les endroits de la France
qui luy eft obligée vniuerfellcmcnt ? Quels combats Poëriques, quels jeux, quel¬
les folennitez inflituerons nous en faueur de fes obfeques, afin que tous les Poè¬
tes faffemblent d'an en an au iour de fes funérailles, pour difputer entre le prix&
la vidoire delà Poëfie, comme ils faifoient aux anniuerfaires d'Amphidamas? Et
cn fommedequellc recognoiffance vferons nous pour ne laiflér point efteindre
&enfeuelir la mémoire de tant d'obligations dans le mefme Tombeau dans lequcj
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