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ORAISON PVNEBRË. im
d'abandonner & vne forme de remonftrance à foymefmé, qu'il n'eftolt plus
temps de penfer a la terre, que c'eftoit fait, qu'il auoit dcuidé le fil de fes deftinées* I
quil auoit efpandu fon nom & fes eferits partout le Monde; maintenant que fa
plume s'enuoloitau Ciel pour y eftre changée enquelquc nouuel aftre, Se luy au i
deffus du Ciel pour y eftre rransformé d'homme en Ange, Se faid de corporel
incorporel auprès de ï esvs-Chri st. Le Vendrcdyenuiron fur le midy arriua
le fieur Gallandius, qui auoit toufiours efté fon intime & particulier amy,& qui
certes luy conferue cefte mefme affedion facree Se inuiolable après fa mort, ren¬
dant auiourd'huy à fa mémoire par ces adions publiques &folcmnelles, les hon¬
neurs & les offices dignes de l'amitié qu'il luy a portée pendant qu'il viuoit. Orap^
prehcndoit-il, ayant fceufavenuë,de parler à luy & l'entre tenir, encore que d'ail¬
leurs il ledefiraftpaffionnément,depeurque fa prefence ne luy attcndriftle cur
&ne luy renouuelaft par trop la mémoire de leur ancienne familiarité. Pourtant
quand il le vit entrer dedans fa chambre, il eut l'efpnt faify d'angoiffe, iufques à fe
laiffer tomber quelques larmes des yeux.Car cefte belle ame dont la trempe s'eftoit
toufiours monftree fi forte à tous les autres traits de fa douleur,ne fe feeut tenir lors,
qu'elle ne s'amollift à la fouuenance de leur focieté Se priuauté paffee. Et comme
il cognut qu'il fe vouloit mettre endcuoirde le confoler, mais que les pleurs &les
foufpirs luy empefehoient la parole, il prit le premier le proposa luy dit, Qinl i
eftoit bien-heureux de partir de ce fiecle où il fembloit quetoutalloitenconfu-
fion Se en ruine : Que s'il y auoit quelque chofe qui l'obligeai! à defirer d'y demeu¬
rer plus long- temps, c'eftoit l'affedion qu'il portoit à fes amis,entrc lefquels il tc-
noit le premier rang; mais qu'il fepromettoit qu'ils ne feroient iamais efloignez
l'vn de l'autre , Se que fi leurs corps eftoient feparez, pour le moins leurs âmes conuerferoient
enfemble : Quant à luy, puis que c'eftoit le plaifir de Dieu , il y obeïffoit
volontiers , Se qu'aufïi bien cefle vie ne luy eftoit plus qu'vne mort continuelle i
QvVil reffentoit que Dieu l'appeftoit à vne meilleure Se plus affeurée , qu'il en auoit
diuers aduis, non feulementpar le manquement de fa chaleur naturelle qui defail-
loit toutà fait, mais auffi par desprefagesquivenoient de plus loin, Se que quel¬
ques nuids auparauant, comme tout le monde eftoit forty defa chambre,il luy
eftoit apparu vne grande lumière, & là deffus luy recita celle hifloire dont mille
perfonnesont oiiy parler. Puis finalement auec des larmes de part Se d'autre plus
chaudes que deuant, le pria qu'il le laiffaft& fe retirai!: d'auprès de luy , tant pour
n'augmenter point fon afflidion par la veuë de la fienne, qu'auffi à fin qu'en mou¬
rant il ne luy reftaft point vn objed deuant les yeux, qui luy fift auoir regret de
partir dc ce Monde Se s'en aller à celuy où il eftoit appelle. Au mefme temps furuin-
drent plufieurs notables habitans de la ville dc Tours, qui l'auoient fouuent vifité
depuis qu'il eftoit arriué à Saind Cofme,& entendans qu'il n'y auoit plus d'efperancc
qu'il peuft paffer ceiour,s'eftoientauancezde le venir voir de meilleure heure
que les precedens. Vn peu après donc qu'ils furent entrez, le Sous- Prieur de Saind
Cofme qui les auoient conduits, prit la parole Se luy dit, Qffil fembloit que Dieu les
vouloit tant affliger que de le retirer d'auec eux; partant que ce feroit dignemét fait
à luy de s'y préparer pendant qu'il luy cn reftoit le loifir:Qu'il auoit des affaires tem¬
porelles; qu'il croyoit qu'on luy auoit déjà confeille d'y donner ordre: qu'il auoit
auffi des affaires fpirituclles, qui eftoit l'eftat de fon ame Se le falut de fa confeience;
qu'il eftoit temps d'y vacquer Se fe refoudre dc quelle façon il vouloit mouiir. A
ces mots il s'aigrit, & luy demanda s'il ignoroit comme il vouloit mourir; puis re¬
partit qu'il vouloit mourir comme eftoient morts fes percs, c'eft à dire, en la foy
de l'Eglife Catholique :& lors commanda qu'on luy appellaft tous fes Religieux,
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