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ORAISON FVNEBRÉ.
pas poffible de regarder celle fource de rayons de laquelle tu es enceint Se cnuironl
né,&dont nous nercccuons icy basqu'vn bienpetit efclair, encore àtrauers vne
infinité d'ombres 6V de nuages, iufques à ce que nous ayons dépouillé ce voile mate*
riel qui nous rient enucloppcz , pour pouuoir entrer dignement dedas le Sanduaire
& voir les merueilles qui font refcruées aux yeux desbien-heureux, iufques à ce que
nous ayons defchauffé ( fi j'ofe dire ainfi ; les fouliers de noftre ame, c'eft à dire, que
nous ayons defLé ce qui la tient attachée auec les chofes inférieures Se corporelles,
à fin qu'elle puiffe marcher à pied nud fur la terre Sainde ,Se qu'elle puiffe deuifer
de près auec Dieu en la montaigne. Ilfaut donc que nous attendions la voix de
l'Archange, le fon de la trompette, la transformation du Ciel, le changement de
la terre , la diffolution& liberté des elemens, le renouuellement 6V la reformation
du monde : Et ce fera alors que nous verrons ce grand Se illuflre Ronfard ; Se nous ne
leverrons plus errant & vagabond fur la terre; nous ne le verrons plus porté 6V ac¬
compagné au fepulchre auec vne longue fuitte de torches Se vne grande quantité
de dueil; nous ne le verrons plus efmouuant le monde aux regrets Se aux lamenta¬
tions, commeilfait maintenant: mais nous le verrons luifant&refplendiffant,tout
couronné de gloire 6V de lumière , 6V tout enuironné des rayons de la diuinité , de la
mefme façon , o belle Se glorieufe face! que tu m'apparois en fonge toutes les nuits,
ou foit que l'eflre de la chofe, ou foit que la forcedemapaffiontereprefenteainfià
mon efprit. Cependant nous te faluëronspourdonnercongéàtes os& àteseen--
dres, 6V auec celle falutation te dirons Adieu , requerans que la terre foit molle Se lé¬
gère à ton corps,que les fleurs naiffent en tout temps fur ta tombe cVfur ta fepulturè,
Se que ton ame ,fî quelque chofe la retarde encore ,vole promptement là haut au
fejour des bien-hcureux,pour nous attendre en repos, 6V rendre ceft office mutuel
Se réciproque de prieres,à ceux qui s'en acquittent dignement en ton endroit. Re¬
pofe donc maintenant en paix, ô grand ornement des Mufes 6V de la France,6V vous
qui elles icy prefens , qui auez eu cefte bonne rencontre d'affifter aux obfequcs du
grand Ronfard , Se qui auez eu la patience d'ouir cefte plaintiue 6V funèbre Oraifon,
pour l'honneur que vous portez à fa mémoire, retournez-vous-en de ce dernier
ade bien contens6V fatisfaits en vous mefmes du temps que vous auez employé à vne
Ôuure fi pleine de pieté 6V dc deuotion , vous promettans que le bon- heur que vous
auez eu de vous trouuer à ces funérailles, deflournera toute l'infortune & toute la
mal-encontre qui pourra iamais tomber fur vous 6V fur les voftres. Et quand vous
ferez arriuez en vos maifons, annoncez à vos enfans, Se que vos enfans racontent à
leurs enfans, que vous cftieznaiz fous fi bons 6V fi heureux aufpices,que d'auoir au
iourd'huy aidé à inhumer 6V enfepulturer le plus grand Poëte qui ait iamais efté en¬
tre les François , à fin que cela vous foit comme vne benedidion héréditaire 6V per¬
pétuelle , qui paffe de génération cn génération iufques à vos nepueux, Se aux
nepueux dc vos nepueux,& à toute voftre pofterité.
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours