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ÈPÎSTRE AV LECTEVR. ïstf
dées en nos vers vulgaires, lors à l'imitation des Latins, nous le pourrons retenir dans
les noms venus des Grecs,pour monftrer la mefme quantité de leur origine.Et fi tu le
vois encore en ce mot, yeux, feulemet,fçache que pour les raifons defTus mcnti5nées>
obeïffant à mesamis,ie I'ay laiffe maugré moy,£our remédier à l'erreu r auquel pourroiét
tomber nos fcrupuleuxvieillars,ayât perdu leur marque en la ledure des yeux,
& desjeux :Te fuppliant, Ledeur,vouloirlaifTer enmon liu re la 1ertre i, en fanaïue
iîgnification,ne la deprauantpoint,foit qu'elle commence la didion,ou qu'elle foit
au milieu de deux voyelles,ou à la fin du vocable,finonen quelques mots,comme en
ie,en i'eus,iugemét,ieuneffe,& autres,où abufant de la voyelle I,tu le liras pour I,co-
fonne,inuenté par Meigret,atté'dant que tu receuras cette marque d'I,côfonne, pour
reftituer l'I,voyelle en fà première liberté. Quant aux autres diphthongues, ie les ay
laiffées en leur vieille corruptiô,auecques infupportables entaflemés de lettres,figne
de noftre ignorance,& dc peu de iugemenr,en ce qui eft fi manifefte& certainxftanc
fatisfaitd'auoirdefchargé mon liure,pour cette heure, d'vne partie de tel faix atten¬
dant que nouueaux charaderes feront forgez pour les fyllabes, 11 , gn, ch , & autres.
Quant à la fyllabe ph,il ne nous faut autre note que noftre F , qui fonne autant uirre
nous que Centre les Grecs,comme manifeftemét tu peux voir par ce mot çnA^feide.
Et fi tum'accufes d'eftre tropinconftàt en l'orthographe dc ce liure,efcriuatu main¬
tenant efpée,épée,accorder,acorder,veftu,vétu,efpandre,épàdrc,blafmer}blâmer,tu
t'en dois colerer cotre toy mefmcs, qui me fais eftre ainfi, cherchant tous les moyens
que iepuis de leruir aux oreilles du fçauant,& auffi pour accouftumer le vulgaire à ne
regimber contre l'éguiIIon,lors qu'on le piquera plus rudement,monftrant par cette !
inconftance,que fi i'eftois receu en toutes les faines opinions de rorthographe,tu ne
trouuerois en mon liure prefque vne feule forme de l'eferitu re, que fans raifon tu ad¬
mires tant.T'affeurant qu*à la féconde impreffionie ne feray fi grand tortàmalâguc
que de laiffer eftranglervne telle verité,fous couleur de vain abus. A ufïi tu ne trouuerasfafcheux
fi i'ay quelquefois changé la lettre È,en A,& A, en E,&bien fouuentj
oftant vne lettre d'vn mot, ou laluy adjouftât, pour faire ma rime plus fonoreufe ou
parfaite.Certes telle licence a toufiours efté concédée aux poèmes de longue haleine
ou de médiocre vertu,pourueu qu'elle foit raremét vfurpée, no à ces rimes vulgaires,
, orphelines de la vraye humeur Poétique. Et fi quelqu'vn par curie ufe opinion pluf-
toft que par raifon,fe colère contre telle honteufe liberté : il doit apprendre qu'il eft
ignorant en fa langue,nefentant point que E, eft fort voifin de la lettre A, voire tel
que fouuent fans y péfer nous les confondons naturellemenr,c5me en,vent,& autres
infinis.Ets'il nefe contente de ces raifons,qu'iI regarde la liberté des Grecs,&Latins,
qui muent& chagent, changet & remuent ks lettres ainfi qu'il leur plaift, pour obéir
aufonjOuàlaforçanteloydeleursverSjCome^ct^pourxitp^'Ajo/// pour;///'. Si tel¬
les libertez n'ont lieu ennoftre lague,qui eft celuy qui voudroit fe trauailler à labou¬
rer vn champ tant ingrat & inutile ? Au fiarplus, Ledeur, tu ne feras efmerueillé fi ie
redy fouuent mefmesmots.mcfmes fentcnces,& mefmes traits de vers,en cela imita¬
teur des Poètes Grecs,& principalement d'Homerc, qui iamais ou bien peu,ne chàgc
vn bon mot, ou quelque trac dc bons vers, quand vne fois il fe l'eit fait familier. le
parle à ceux qui miferablement efpient le moyen pour blafonner les eferits d'autruy,
courroucez peut-eftre, pour m'oiiir fouuét redirc,le miel de mes versjes ailes de mes
vers,l'arc de ma Mufe,mes vers fuccrez,vn trait ailé,empaner la mémoire, l'honneur
altéré des Cieux, & autres femblables atomes par lefquels i'ay côpofé le petit monde
de mes inuentions. Quad tels Grimaus ne reprennent d'vn poëme que telles chofes,
ou (corne fay défia dit; quelque petit mot,non richement rimé,ou vne virgule pour
vn point,ou l'orthographe, lors le Poète fe doit affeurer d'auoir bien dit , voire de la
vidoire,puis que fes aduerfaires mal embaftonnez,lc combatent fi foiblement.
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