Téléchargement complet de l'ouvrage - Les Bibliothèques Virtuelles ...

RECVEIL DES CHANSONS.
Ourquoy tournez-vous voT
yeux
Gracieux,
De moy quand voulez, m'occire ?
Comme fi n'auieT pouuoir
Tar me voir
D'vn feul regard me deflruire?
La/s ! vous lefiaites àfin
Que ma fin
Ne me fiemblaft bien-heureufie,
Si ï allais en periffant
Iouiffant
De voflre Eillade amoureufe.
Mais quoy ? vous abufiz,fort,
Cette mort
Oui vous fiemble tant cruelle,
Ce m eft vrayment vn bon-heur
Tour l'honneur
De vous, qui eflesfi belle.
Elas !ie riay pour mon objet
Çfvn regret, quvnefiouuenance :
Lo terre embraffe lefiuiet,
En qui viuoit mon efeerance.
Cruel tombeau , ie n'ay plus rien,
Tu as defirobé tout mon bien,
Ma mort,($f ma vie,
L'amant & l'amie,
Plaint s,fouffirs, y pleurs,
Douleursfus douleurs.
Que ne voy-ie ,pour languir mieux,
Et pour viure en plus longue peine,
Mon cTur en fiouffirs , y mesyeux
Se changer en vne fiontaine,
Mon corps en voix fe transformer,
Pour foufeirer, pleurer , nommer
Ma mort, & ma vie.
Ou ie voudrais eflre vn rocher,
Et auoir le ccur infienfible,
Ou eftrit, afin decercher^
Sous la terré mon impoffible:
J'iroisfians crainte du trefias
Redemander aux Dieux d'embas
Ma mort, (flfff ma vie.
Mois ce nefont quefictions :
Il mefaut trouuer autresplaintes.
Mes véritables paffons
Nefi peuuent firuir defeintes.
Le meilleur remède en cecy,
C'eft mon tourment y mon fioucy,
CM.a mon, ($r ma vie.
^Auprix de moy les amoureux
Voyant les beaux yeux de leur Dame,
Cheueux y bouche,font heureux
De brûler d'vne viue flame.
en bien fieruant ils ont efeoir{
Je fiuis fians efeoir de reuoir
Mo mort, y ma vie.
Ils aiment vn fiujet qui vit :
La beauté viue les vientprendre,
L'pil qui voit, la bouche qui dit :
Et moy ie riaime quvne cendre.
Le firoid filence du tombeau
Enferme mon bien, y mon beau,
Ma mort , y ma vie.
Ils ont le toucher y l'ouïr,
Auant-courriers de la vifloire:
Et ie ne puis iamais iouïr
Sinon d'vne trifle mémoire,
D'vn fouuenir,($f d'vn regret,
Qui toufiours lamenter me fait
Ma mort, y ma vie. -
L'homme peutgaigner par effort
Mainte bataille, y mainte ville:
Mais de pouuoir vaincre la Mort
Cefl vne chofe difficile.
Le Ciel qui n'a point depitié,
Cachefous terre ma moitié,
Ma mort, ($f ma vie.
^Aprèsfia mort ie ne deuois,
Tué de douleur, lafluruiure :
autant que viue ie l'aimais,
Illiii iiij
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours
ijo;