Quelle place pour la puissance publique - Claude Rochet
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IHESI – 14 ème SNE – 2002/2003 – GDS n° 1 : "Entreprises et intelligence économique –<br />
<strong>Quelle</strong> <strong>p<strong>la</strong>ce</strong> <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>puissance</strong> <strong>publique</strong> ?"<br />
Des enjeux qui ont leurs racines dans l'histoire<br />
Il faut se référer à l’Histoire <strong>pour</strong> comprendre que le renseignement y a toujours été<br />
intimement associé. Autrefois, les adversaires nous affrontant sur les champs de bataille<br />
étaient déjà et d’abord des adversaires économiques convoitant un territoire, des biens<br />
agricoles, industriels, des popu<strong>la</strong>tions à asservir dont <strong>la</strong> valeur marchande était estimée<br />
avant l’invasion ou le combat.<br />
Les exemples abondent mais ils peuvent aussi apparaître comme pacifiques et faire<br />
accumuler sur le long terme, des connaissances et des richesses, facteurs de grands<br />
progrès. Le vénitien Marco Polo n’est-il pas : « Un des plus illustres veilleurs<br />
technologiques de l’Histoire » 4 ?<br />
Chaque pays en fonction de son histoire, de son passé culturel, de sa religion, de sa<br />
situation géographique, de son mode de gouvernement a conduit une démarche que l’on<br />
peut qualifier d’intelligence économique. Depuis le XIII ème siècle, le rôle de Florence<br />
comme centre d’études géographiques est grand, de plus, grâce aux marchands italiens<br />
nombreux dans <strong>la</strong> péninsule ibérique, les informations ne cessent de circuler dans les<br />
deux sens. Ainsi, les Florentins sont-ils parmi les premiers renseignés sur <strong>la</strong> progression<br />
obstinée des Portugais le long des côtes africaines et leur curiosité marque autant un<br />
intérêt scientifique qu’une réelle inquiétude liée à <strong>la</strong> découverte de nouvelles voies<br />
risquant d’affaiblir leur propre commerce.<br />
Henri le Navigateur 5 rassemble à Sagres, près du cap Saint Vincent, un groupe de<br />
savants. Marins, voyageurs et érudits affluent 6 . Juifs, arabes et même quelques<br />
Ethiopiens fréquentent « l'académie » contribuant à <strong>la</strong> préparation méthodique des<br />
voyages portugais vers les archipels et au <strong>la</strong>rge de l’Afrique. Les chantiers de<br />
construction navale mettent au point <strong>la</strong> caravelle, tandis que cosmographes et pilotes<br />
jettent les bases de <strong>la</strong> navigation astronomique 7 . On conserve les études, les textes grecs<br />
et arabes, les témoignages. Un arsenal, un observatoire et une école cartographique et<br />
nautique sont créés. Les capitaines sont tenus de déposer leurs journaux personnels et<br />
leurs cartes au retour de leurs voyages et de prendre leurs instructions avant de<br />
nouvelles expéditions. Lisbonne prend le re<strong>la</strong>is vers 1460, à <strong>la</strong> mort du prince Henri.<br />
Le Portugal, pionnier de l’exploration moderne conduit une démarche d’intelligence<br />
économique globale en construisant tout au long du XV ème siècle, un empire maritime<br />
mercantile de l’ouest de l’Afrique à l’océan indien. Au XVI ème siècle, le portugais al<strong>la</strong>it<br />
pratiquement être encore <strong>la</strong> seule <strong>la</strong>ngue européenne parlée sur les rives de l’océan<br />
indien.<br />
4 B. Martinet et Y-M Marti, op. cit., Marco Polo (1254-1324), il vécut seize ans en Chine, à <strong>la</strong> cour<br />
mongole de Koubi<strong>la</strong>ï, petit-fils de Gengis Khan. Il séjourna à Sumatra, en Inde, en Perse. Revenu à<br />
Venise en 1295, il arma une galère et combattit à <strong>la</strong> bataille de Curzo<strong>la</strong> contre les Gênois. Fait prisonnier,<br />
il dicta ses souvenirs dont le fameux « Livre des merveilles » à un de ses compagnons de captivité. Le<br />
livre fut rédigé en français dans le dialecte picard. Le pape Eugène IV obligea Nicolo Conti de retour<br />
d’une expédition vers 1440, à dicter au secrétaire pontifical, Poggio Bracciolini, le récit complet de ses<br />
pérégrinations en Asie. Le témoignage de Conti est capital ; il confirme parfaitement celui de Marco Polo<br />
jugé jusqu’alors quelque peu fantaisiste.<br />
5 Henri le Navigateur (1394-1460)<br />
6 Henri a su y attirer le vénitien Cadamosto, le génois Antonio de Noli, le majorquin Jafuda Cresques<br />
(maître Jacob), fils D’Abraham Cresques, auteur du très célèbre at<strong>la</strong>s cata<strong>la</strong>n de 1375.<br />
7 On perfectionne le bâton de Jacob et l’astro<strong>la</strong>be.