Quelle place pour la puissance publique - Claude Rochet

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IHESI – 14 ème SNE – 2002/2003 – GDS n° 1 : "Entreprises et intelligence économique –
Quelle place pour la puissance publique ?"
Quelle peut être et quelle a été l’attitude des pouvoirs publics ?
La première leçon de ce cas est l’impréparation de la firme et de ses structures de
direction à la guerre économique. Ce n’est qu’au milieu de l’automne, après l’attaque
du« Monde », soit près de dix mois après le début de l’offensive, que la direction de
l’entreprise a commencé à reprendre les choses en main. Elle justifie donc pleinement
l’action de sensibilisation des entreprises par les pouvoirs publics que nous préconisons
par ailleurs et la pratique des war room nécessaire à la mobilisation rapide de tous les
moyens indispensables à la contre-attaque.
La seconde leçon est la faiblesse et la vulnérabilité des structures de gouvernance de la
firme. Portée par sa success story, la firme a révélé une cohérence interne trop faible
une fois la crise venue et n’a pas su se refonder sur ses leviers réels de création de
valeur qui résident dans son orgware et non dans son système de croissance externe
basé sur les earn out, le seul qu’aient retenu les marchés financiers. Le personnel a tardé
à se mobiliser pour la défense de l’entreprise, ce qui est aujourd’hui chose faite avec la
création de « Altran c’est nous ! » 53 alors que la mobilisation du personnel reste une
arme décisive pour faire échouer un raid hostile. Ainsi qu’a eu l’occasion de le
souligner l’avocat Yves Thibaut du Manoir dans les groupes de travail spécialisés de
l’IHESI, le développement de la participation du personnel à la prise de décision dans
l’entreprise, au travers de l’adoption de statut comme la SAGP (Société Anonyme à
Gestion Partagée), serait un atout considérable pour renforcer la cohésion interne des
entreprises dans le contexte de guerre économique.
La troisième leçon est surtout l’impossibilité pour la firme attaquée d’agir seule. Le
point clé dans cette affaire reste la maîtrise du capital. Aux Etats-Unis, aucune société
travaillant pour la défense nationale ou pour des intérêts stratégiques pour la sécurité du
pays ne pourrait être détenue à plus de 30% par des capitaux étrangers ; aucune
disposition de la sorte n’existe en France ou, au contraire, la jurisprudence de la Cour de
justice européenne interdit la pratique de la golden share. De même aux Etats-Unis, la
SEC a les moyens de tracer l’origine des ordres de bourse pour déceler les stratégies de
prise de contrôle. Lorsque Altran a porté plainte devant la COB, en même temps que
certains actionnaires lésés, celle-ci a surtout recherché le délit d’initié et instruit le
procès de la firme plutôt que de chercher à la défendre. Les dirigeants d’Altran qui se
sont adressés aux autorités compétentes ont essuyé une fin de non-recevoir pour que
soient mobilisés les moyens des services afin de remonter à la source des mouvements
de titres. Saisi par une question orale du Sénateur Autexier, le gouvernement a fait
savoir en date du 6 mai 2003 qu’il en restait au principe de non-intervention au nom de
la séparation entre l’État et les entreprises privées et a renvoyé sur la mission Carayon
qui rendra ses conclusions fin juin.
D’ici là, se sera tenu l’assemblée générale statutaire de la firme, et on saura si elle est
restée française ou si elle subit le sort de Gemplus.
53 http://www.altran-cest-nous.org/