Quelle place pour la puissance publique - Claude Rochet

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IHESI – 14 ème SNE – 2002/2003 – GDS n° 1 : "Entreprises et intelligence économique –
Quelle place pour la puissance publique ?"
high-tech. Le manque à gagner pour l’Inde est évalué à 0,58% du PIB de l’Inde, soit
plus que l’aide des États-Unis au développement (0,40%) 49 .
2. Une difficulté héritée de l’ère de la production de masse à faire le lien entre
introduction de nouvelles technologies et création de valeur. L’essentiel de
l’innovation liée aux technologies de l’information et aux biotechniques repose sur
des leviers non technologiques. L’innovation n’est pas liée à une technologie en
particulier mais à la capacité à bâtir des architectures innovantes reliant des
technologies entre elles (Internet n’est autre que le mariage de l’ordinateur et du
téléphone). La capacité d’innovation d’une firme repose sur sa capacité à développer
des « routines organisationnelles » favorisant la créativité, les pratiques nouvelles
comme l’ingénierie simultanée et l’approche système. Ces capacités se développent
par la pratique et sont très largement tacites et non mobiles.
Le rattrapage de l’industrie américaine par l’industrie japonaise, notamment dans
l’automobile, a montré aux Américains que c’était bien la gestion de la technologie plus
que la maîtrise de la technologie elle-même qui était la compétence clé, comme l’a
souligné le rapport du MIT sur l’état de l’industrie automobile mondiale en 1992 50 .
Bien plus, la technologie devenant un bien quasi-public peu coûteux à acquérir,
notamment par le développement du commerce international et de l’investissement
direct à l’étranger qui multiplie l’effet de l'apprentissage, la performance technologique
n’est plus liée à la taille du pays (même si la taille du marché intérieur reste un levier
très important comme pour les États-Unis et de plus en plus pour la Chine) mais à la
performance de son système national d’innovation. Les pays qui affichent ainsi la plus
forte croissance de leur productivité multifactorielle sont la Finlande (avec l’industrie
des Telecoms fondée sur Nokia) et l’Irlande 51 .
Il est donc possible, pour un nouvel arrivant, de capitaliser sur les acquis de la
technologie existante et de développer un avantage concurrentiel sur une génération
technologique suivante.
Ayant senti passer le vent du boulet, les États-Unis ont reconverti au début des années
90 leurs services de renseignement vers la « guerre économique » pour mettre en place
un pilotage stratégique de l’économie par l’État.
Cette stratégie se déploie sous trois angles : la préservation des intérêts technologiques
des États-Unis et la conquête – ou la neutralisation - des industries concurrentes :
1. Le Département d’État et le Département de la défense veillent à ce que toute
industrie vitale reste nationale. C’est sous la pression du Département d’État que
Silicon Graphics a acquis Cray Research alors que les Japonais tentaient de prendre
pied (sous forme de dons aux universités) dans ce domaine en mettant à profit leur
leadership dans les supercalculateurs vectoriels. D’une manière générale, aucune
société travaillant pour le Département de la défense ne peut être contrôlée à plus de
30% par du capital étranger.
49
Mihir Desai, The fiscal impact of the brain drain : Indian emigration to the US,
http://www.people.hbs.edu/mdesai/braindrain
50
« The machine that changed the world » curieusement traduit en français sous le titre « La machine qui
va changer le monde », Payot, 1992.
51
OCDE, Information Technology Outlook, 2001