Quelle place pour la puissance publique - Claude Rochet
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IHESI – 14 ème SNE – 2002/2003 – GDS n° 1 : "Entreprises et intelligence économique –<br />
<strong>Quelle</strong> <strong>p<strong>la</strong>ce</strong> <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>puissance</strong> <strong>publique</strong> ?"<br />
Note technique : le cas ALTRAN<br />
La société Altran technologies est une « success story » française, née au début des<br />
années 1980 et qui compte à ce jour 18 000 ingénieurs sur 200 filiales dans le monde<br />
entier.<br />
Son secteur d’activité est celui des technologies de pointe, notamment par l’intégration<br />
de systèmes hétérogènes. Elle est fournisseur des industries stratégiques : défense<br />
nationale, automobile, grandes firmes industrielles.<br />
Pour renforcer l’impact de son expertise technologique sur l’évolution du modèle<br />
d’activité de ses clients, elle fait l’acquisition de <strong>la</strong> mère des sociétés de conseil<br />
américaines, Arthur D. Little, alors en redressement judiciaire (régime du chapter 11),<br />
début 2001. ADL est une firme de conseil en stratégie, spécialisée dans l’innovation et<br />
<strong>la</strong> gestion de <strong>la</strong> technologie. Altran fait l’acquisition de l’ensemble des bureaux hors<br />
Etats-Unis, mais le juge américain octroie à Altran l’usage exclusif du nom de ADL, de<br />
sorte que les associés américains, qui conservent le bureau US, se sentent lésés.<br />
C’est en fait deux jours après le bouc<strong>la</strong>ge de cette acquisition que l’entreprise de<br />
déstabilisation contre <strong>la</strong> firme commence. Une série de rumeurs parcourent les salles de<br />
marchés faisant état de difficultés financières sérieuses. En juillet, <strong>la</strong> firme de courtage<br />
Merryl Lynch publie une analyse catastrophique « No cash : Sell » . Le cours de<br />
l’action, établi à environ 95 au début de l’année chute à 35 puis à 5,25 le 10 octobre<br />
2002.<br />
Le 11 octobre 2002, « Le Monde » publie en première page un article sur le taux<br />
d’activité des consultants d’Altran - ce qui n’est pas dans sa spécialité ni dans les<br />
centres d’intérêts de ses lecteurs - ainsi que sur des factures qu’il dit suspectes au profit<br />
d’une filiale. Dans <strong>la</strong> journée le cours baisse de 45%.<br />
La mission confiée au commissariat aux comptes par <strong>la</strong> direction amènera <strong>la</strong> société à<br />
passer plusieurs provisions qui réviseront à <strong>la</strong> baisse les résultats, alimentant une<br />
tendance simi<strong>la</strong>ire dans un marché déjà fort déprimé.<br />
66% du capital étant flottant, environ 2% change chaque jour de main en bourse.<br />
Aucune déc<strong>la</strong>ration de franchissement de seuil de 5% n’étant intervenue, il ne peut être<br />
exclu que des blocs de contrôle de 4,5% se constituent en prévision de l’assemblée<br />
générale de juin 2003, révé<strong>la</strong>nt une prise de contrôle hostile de <strong>la</strong> société.<br />
Que s’est-il, en réalité, passé ?<br />
Le modèle d’activité financier d’Altran, à <strong>la</strong> base de sa success story, était basé sur<br />
l’acquisition de filiales, dont seulement 50% était payés sur le champ et le reste, sous<br />
réserve de résultats, à 5 ans, majoré, le cas échéant, d’une plus-value : c’est le système<br />
du earn out. Compte tenu de <strong>la</strong> croissance rapide de <strong>la</strong> société, c’est sur l’importance<br />
des earn out que Merryl Lynch a basé son analyse <strong>pour</strong> dire qu’Altran avait des<br />
engagements hors bi<strong>la</strong>n non pris en compte dans sa valorisation boursière. Cet argument<br />
bien sûr ne tenait pas, car les earn out n’étaient payés que s’il y avait un profit<br />
comptabilisable : ils étaient donc gagés sur des recettes ou non payés. Il sera abandonné<br />
au prix d’un effort de communication financière de <strong>la</strong> société.<br />
A l’automne, <strong>la</strong> société découvre, en recevant une facture d’un hôtel de Singa<strong>pour</strong>, que<br />
pendant trois semaines des recruteurs se faisant passer <strong>pour</strong> des cadres d’Altran, ont<br />
auditionné des candidats. En fait, il ne s’agissait que de ternir l’image de <strong>la</strong> firme par<br />
des comportements et des propos a<strong>la</strong>rmistes.<br />
Une semaine après <strong>la</strong> parution de l’article du « Monde », des membres du personnel<br />
d’Altran Espagne remarquent des distributeurs de tracts devant l’entreprise qui