Quelle place pour la puissance publique - Claude Rochet

IHESI – 14 ème SNE – 2002/2003 – GDS n° 1 : "Entreprises et intelligence économique –
Quelle place pour la puissance publique ?"
économiquement, dont les résultats sont utilisés par les donneurs d'ordre qui peuvent
faire du chantage ou les donner en pâture dans la presse si cela sert leurs intérêts » 43 .
- La seconde se réfère aux scandales qui ont suivi l'affaire ENRON et à la suspicion
qui entoure désormais les comptes des sociétés, surtout à la lumière des autres
scandales qui ont suivi et, par voie de conséquence, les professions qui les
établissent ou les certifient. Là encore, il s'agissait d'entreprises intermédiaires,
certes ayant un autre objet que l'intelligence économique, mais le principe est le
même.
Ces scandales ont déterminé le gouvernement à envisager une réforme des règles de la
« gouvernance » des entreprises et des professions concernées : organisations
comptables, d'audit, d'analyse. Il serait opportun de le faire aussi par référence aux
nécessités de l'intelligence économique. En effet, celle-ci devient progressivement
l'apanage de sociétés de sécurité alors que les possibilités de dérives de celles-ci sont
connues 44 . Selon le secrétaire général de STE, association de conseil des entreprises
dans le domaine de la sécurité, « les entreprises devront faire face à des menaces
grandissantes, visant leurs intérêts concurrentiels. Avec l'amélioration des outils de
collecte et de tri de l'information, il sera de plus en plus facile d'obtenir des éléments
pertinents sur ses concurrents pour orienter sa stratégie. En contrepartie, les entreprises
devront impérativement maîtriser la diffusion de leurs données. Car la somme de ces
dernières, même anodines, peut être in fine largement révélatrice des intentions » 45 .
Il est dommage que la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure n'ait pas inclus le
domaine « intelligence économique » de l'activité de ces officines. Le rôle de l'État sera
de promouvoir une telle réglementation, peut-être à l'issue de la mission confiée au
député Bernard CARAYON dont le Premier ministre vient de prendre l'initiative, ce qui
nous semble être le signe fort que si l'on doit promouvoir l'intelligence économique, on
ne saurait se satisfaire d'une déontologie autoproclamée.
3.1.1.2 La nationalité
La nationalité de la victime n'est pas un critère de compétence des juridictions, pénales
en particulier. En effet, aux termes de l'article 382 du code de procédure pénale, « est
compétent le tribunal correctionnel du lieu de l'infraction, celui de la résidence du
prévenu ou celui du lieu d'arrestation de ce dernier ». Il en résulte que, dans le cas de la
commission d'infractions, la protection est due à toutes les entreprises, qu'elles soient
considérées comme françaises ou qu'elles soient étrangères, alors qu'en ce qui concerne
la participation de la puissance publique, celle-ci ne peut être acquise qu'aux entreprises
françaises, comme cela a déjà été évoqué plus haut (2.2.1.2)
3.1.2 Le système existant
La préservation des intérêts économiques de la Nation est devenue un enjeu pour l'État,
promu « stratège et partenaire des entreprises et des acteurs économiques » (circulaire du
14 février 2002 relative à la défense économique) à une époque où de profonds
bouleversements politiques à l'échelle mondiale concourent à brouiller le schéma des
relations internationales tel qu'il était perçu depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
43
Airy ROUTIER, L'ange exterminateur (La vraie vie de Bernard ARNAULT), Albin Michel, 2003, page
330
44
Service Central de Prévention de la Corruption, rapport 2001, page 83
45
Le Nouvel Économiste, n° 1217, page 47
51