Quelle place pour la puissance publique - Claude Rochet

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IHESI – 14 ème SNE – 2002/2003 – GDS n° 1 : "Entreprises et intelligence économique –
Quelle place pour la puissance publique ?"
Il n'est pas rare, en effet, d'entendre parler non plus seulement d'intelligence
économique mais de guerre économique, ce qui en dit long sur les dangers encourus et
renvoie à des notions d'espionnage, de renseignement, de secret, que l'intelligence
économique ignore mais qui étaient précisément l'apanage de la période de la guerre
froide. De plus, il ne s'agit plus seulement de rechercher l'information mais, par
recoupement d’informations existantes, d’anticiper sur la stratégie de l’adversaire.
Un journaliste a écrit récemment 40 que « Dans ce monde de l'ombre (qu'est l'intelligence
économique), l'absence de règles est la seule règle ». Dès lors le jeu consiste à ne pas se
faire prendre et les États agissent derrière une multitude de sociétés et d’acteurs écrans
pour rendre le lien entre une action de déstabilisation et ses commanditaires
difficilement traçable. Ignorer cette dimension paraît, en conséquence, relever de
l'angélisme, d'autant que ce sont, en particulier, les petites entreprises (PME / PMI),
dont le poids économique est considérable, et qui, faute de moyens d'avoir leurs propres
structures, sont les plus exposées car elles doivent :
- avoir recours à des « fournisseurs » extérieurs, notamment à des sociétés
spécialisées,
- se prémunir des indiscrétions dont elles pourraient faire l'objet, voire de faits
beaucoup plus graves.
C'est ainsi que le rapport MARTRE relève que « les rivalités concurrentielles ont de
tout temps engendré une zone grise au sein de laquelle le passage de la légalité à
l'illégalité est parfois difficile à cerner. L'absence d'outils de maîtrise et de
compréhension de l'intelligence économique peut faire dévier du respect de l'éthique et
des lois ».
Dès lors, l'État proprement dit, et non pas la puissance publique, se doit d'intervenir car
il s'agit, même et surtout dans un système d'économie libérale donc ouverte, de protéger
le patrimoine économique national, d'autant que les enjeux économiques sont
importants, en termes d'emploi, de paix sociale, d'équilibre de la balance des paiements,
donc des exportations… .
Mais parallèlement, il convient aussi, pour ne pas retomber dans un système « d'État
providence » et d'assistanat généralisé, d'inciter les entreprises à se protéger ellesmêmes.
Elles doivent pour cela disposer des instruments juridiques nécessaires, ce qui
renvoie néanmoins aussi au rôle de l'État car il est le seul à pouvoir les leur procurer.
3.1 Le rôle de l'État
Il vient d'être réaffirmé par l'article 1 er de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité
intérieure qui dispose que « L'État a le devoir d'assurer la sécurité en veillant, sur
l'ensemble du territoire de la République, à la défense des institutions et des intérêts
nationaux, au respect de lois, au maintien de la paix et de l'ordre public, à la protection
des personnes et des biens ».
Par ailleurs, aux termes de l'article 410-1 du code pénal, « Les intérêts fondamentaux de
la nation s'entendent … de son indépendance, de l'intégrité de son territoire, de sa
sécurité, de la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa
40 Journal LA TRIBUNE – 28 février 2003