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Quelle place pour la puissance publique - Claude Rochet

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IHESI – 14 ème SNE – 2002/2003 – GDS n° 1 : "Entreprises et intelligence économique –<br />

<strong>Quelle</strong> <strong>p<strong>la</strong>ce</strong> <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>puissance</strong> <strong>publique</strong> ?"<br />

opportunités technologiques 29 : si l’État américain est très protectionniste et<br />

interventionniste, il s’assure simultanément que les entreprises concernées n’abusent<br />

pas de <strong>la</strong> situation aux dépens des consommateurs et maintient <strong>la</strong> compétition qui est à<br />

<strong>la</strong> base de <strong>la</strong> dynamique de l’innovation. A l’opposé, l’État français a créé des marchés<br />

protégés <strong>pour</strong> ses industries nationales, ce qui a été fatal à son industrie informatique ou<br />

à des innovations majeures comme le minitel 30 , alors que de grands programmes<br />

nationaux menés avec intelligence lui ont assuré de pouvoir jouer dans <strong>la</strong> cour des<br />

grands. Brû<strong>la</strong>nt ce qu’il a adoré, il passe aujourd’hui à une ouverture des frontières<br />

imprudente, (confondant abandon de l’interventionnisme direct dans <strong>la</strong> gestion avec<br />

l’abandon tout court de toute intervention dans le cadrage stratégique et le façonnage<br />

des facteurs de compétitivité de l’économie nationale) en nous mettant en position de<br />

vulnérabilité vis-à-vis de nos compétiteurs.<br />

La politique de l’État en matière d’intelligence économique doit donc partir d’une<br />

compréhension des leviers non technologiques permettant de tirer profit des<br />

opportunités technologiques.<br />

Dans ce contexte, quel rôle doit jouer l’État, et quelles re<strong>la</strong>tions avec les entreprises<br />

doit-il entretenir <strong>pour</strong> assurer <strong>la</strong> compétitivité de l’économie française ? <strong>Quelle</strong>s sont ses<br />

pratiques actuelles, les schémas mentaux dominants et en quoi sont-ils adaptés ou<br />

inadaptés aux enjeux actuels ? Quels axes de progrès concrets doivent-ils s’avérer<br />

prioritaires ?<br />

L'intelligence économique, conçue dans un contexte de guerre économique,<br />

actuellement aggravé par les décisions de « boycott » des entreprises françaises prises<br />

par l’administration Bush comme sanction au non-alignement de <strong>la</strong> France sur les<br />

positions américaines lors de l’expédition militaire contre l’Irak, est donc non seulement<br />

une priorité nationale <strong>pour</strong> maintenir <strong>la</strong> France dans le peloton de tête de l’économie<br />

mondiale, mais également un levier de réforme de l’État, concernant autant sa <strong>p<strong>la</strong>ce</strong> au<br />

sein du cercle des <strong>puissance</strong>s que ses modes d’intervention. Avant de procéder à cette<br />

analyse, il convient toutefois de définir <strong>la</strong> <strong>puissance</strong> <strong>publique</strong>.<br />

La notion de <strong>puissance</strong> <strong>publique</strong><br />

Toute société développée s’identifie par une personne morale qui est à <strong>la</strong> source de <strong>la</strong><br />

légitimité des décisions : l’État. Cette légitimité induit un modèle hiérarchique. Une<br />

partie des membres du groupe détient une autorité plus ou moins étendue sur les autres<br />

personnes faisant partie de ce groupe et ayant <strong>la</strong> faculté d’imposer l’exécution de leurs<br />

ordres. Une exécution qui peut s’opérer par <strong>la</strong> contrainte si nécessaire. Mais cette partie<br />

ne détient cette capacité de coercition et ces prérogatives exorbitantes du droit commun,<br />

que parce qu’ils sont au service du bien commun et de l’intérêt général. De Thomas<br />

d’Aquin à Jean de Bodin 31 , les philosophes politiques ont enseigné aux souverains<br />

qu’ils ne devaient pas exercer leur pouvoir à leur profit mais à celui du bien commun.<br />

29<br />

Jacques Stern « L’Europe des occasions perdues », in Géopolitique, <strong>puissance</strong>, science et technologie,<br />

2000<br />

30<br />

Patrick Messerlin, chapitre « France », in « Technological innovation and economic performance »,<br />

Benn Steil, David Victor & Richard Ne lson, Princeton University Press, 2002<br />

31<br />

Jean de Bodin (1529-1596). Il a défini <strong>la</strong> notion de souveraineté dans sa « Ré<strong>publique</strong> ». Il établit une<br />

comparaison entre <strong>la</strong> Rome républicaine et <strong>la</strong> France royale. Il privilégie <strong>la</strong> théorie d’un État où le roi est<br />

le représentant du bien commun et le défenseur des droits de tous ses sujets.<br />

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