Quelle place pour la puissance publique - Claude Rochet
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IHESI – 14 ème SNE – 2002/2003 – GDS n° 1 : "Entreprises et intelligence économique –<br />
<strong>Quelle</strong> <strong>p<strong>la</strong>ce</strong> <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>puissance</strong> <strong>publique</strong> ?"<br />
2. La dynamique politique doit être complétée par une dynamique entrepreneuriale qui<br />
repose essentiellement sur des caractéristiques culturelles et sociales qui favorisent<br />
l’apprentissage permanent : c’est le déclin de cet état d’esprit et des consensus<br />
sociaux qui le sous-tendent, qui entraîne les pertes de leadership que connurent les<br />
Pays-Bas puis l’Angleterre.<br />
Ces règles qui se sont appliquées lors des précédentes révolutions technologiques<br />
s’appliquent d’autant plus aujourd’hui quand le principal facteur de production réside<br />
dans le savoir et devient donc totalement déconnecté de <strong>la</strong> notion de ressource naturelle<br />
qui a été à <strong>la</strong> base du décol<strong>la</strong>ge des <strong>puissance</strong>s industrielles des vagues précédentes. On<br />
peut ainsi considérer a priori que les cartes peuvent être redistribuées entre les nations<br />
selon les nouvelles règles de <strong>la</strong> compétition issue de l’entrée dans l’ère de l’information,<br />
bien que <strong>la</strong> recette du leadership semble rester <strong>la</strong> même : <strong>la</strong> convergence entre <strong>la</strong> volonté<br />
politique de l’État nation, <strong>la</strong> dynamique entrepreneuriale portée par <strong>la</strong> société et <strong>la</strong><br />
robustesse des consensus sociaux. Que l’une de ces dynamiques fasse défaut et le déclin<br />
n’est pas loin.<br />
Pour comprendre le rôle actuel de l'intelligence économique, il faut d’abord le<br />
situer dans le contexte de l’entrée dans <strong>la</strong> société de l’information.<br />
Les mutations rapides de <strong>la</strong> technologie et son impact sur l’organisation de l’industrie et<br />
les conditions de production permettent aujourd’hui de penser que nous sommes entrés<br />
dans une nouvelle révolution technologique qui succède aux deux précédentes<br />
révolutions industrielles fondées sur <strong>la</strong> vapeur et sur l’électricité, et qui est basée sur<br />
l’information.<br />
Plus précisément, <strong>la</strong> recherche a actualisé un concept du début du XX ème siècle, celui<br />
des cycles de Kondratiev, faisant ressortir, <strong>pour</strong> chaque vague technologique, une<br />
période de maturation et de croissance rapide, puis une étape de consolidation, de<br />
maturité et de déclin, séparées par une période de crise, dont <strong>la</strong> durée est d’environ une<br />
cinquantaine d’années 17 .<br />
Nous sommes, par conséquent, entrés dans <strong>la</strong> phase de crise de <strong>la</strong> cinquième vague<br />
technologique, après l’éc<strong>la</strong>tement de <strong>la</strong> bulle spécu<strong>la</strong>tive liée à Internet et au<br />
développement des technologies de l’information, dont <strong>la</strong> phase de croissance a été<br />
marquée par trois innovations majeures : l’invention de l’ordinateur en 1945, du<br />
microprocesseur en 1971 puis du navigateur en 1991.<br />
On sait aujourd’hui que ces cycles technologiques sont l’occasion d’une redistribution<br />
des cartes de <strong>la</strong> <strong>puissance</strong> entre les nations : il y a celles qui savent gérer les<br />
opportunités offertes par <strong>la</strong> technologie et celles qui ne le savent pas, entraînant des<br />
bouleversements dans le leadership politique et économique du monde. Ces inversions<br />
de leadership reposent avant tout sur des leviers culturels qui définissent un rapport à <strong>la</strong><br />
technologie. La Chine a ainsi à peu près tout découvert depuis le Moyen-Âge, mais <strong>la</strong><br />
culture confucéenne et un système politique basé sur une profonde aversion <strong>pour</strong> le<br />
changement ne lui ont pas permis de saisir les opportunités offertes par <strong>la</strong> technologie.<br />
A <strong>la</strong> fin des années 1980, le rapport publié par le MIT 18 « Made In America » soulignait<br />
17 Chris Freeman & Luc de Soete, « As Time Goes By , from industrial revolution to information<br />
revolution », Oxford, 2000<br />
18 Massachusetts Institute of Technology