Quelle place pour la puissance publique - Claude Rochet
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IHESI – 14 ème SNE – 2002/2003 – GDS n° 1 : "Entreprises et intelligence économique –<br />
<strong>Quelle</strong> <strong>p<strong>la</strong>ce</strong> <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>puissance</strong> <strong>publique</strong> ?"<br />
consacrer plus de 2% de son PIB à <strong>la</strong> recherche. La recherche <strong>publique</strong> a toujours<br />
été poussée par les commandes militaires aux <strong>la</strong>boratoires universitaires.<br />
2. L’action anti-trust de l’État a maintenu <strong>la</strong> vitalité de l’économie de marché.<br />
Contrairement à <strong>la</strong> conception française de protection de « champions nationaux »,<br />
l’État américain, s’il est très interventionniste, ne gère pas : il organise le marché.<br />
Les commandes <strong>publique</strong>s, le financement public de <strong>la</strong> recherche, s’ils jouent un<br />
rôle essentiel dans <strong>la</strong> construction du leadership américain, veillent à maintenir <strong>la</strong><br />
concurrence et donc à contribuer à <strong>la</strong> sélection des technologies les plus solides. La<br />
différence entre ces deux approches a été illustrée par <strong>la</strong> stratégie française du<br />
minitel qui, bien qu’étant en avance sur le développement de l’Internet public, n’a<br />
pu s’imposer comme un standard de facto sur le marché.<br />
3. La dynamique du capital-risque a permis aux inventions nées dans les <strong>la</strong>boratoires<br />
de se transformer rapidement en innovations sur le marché par le biais des « PME<br />
basées sur <strong>la</strong> science ». La prédominance du capital-risque américain se manifeste<br />
d’abord par son importance, puisqu’il peut s’appuyer sur les réserves financières des<br />
investisseurs institutionnels qui représentent en gros cinq fois le PIB de <strong>la</strong> France.<br />
Elle se manifeste en outre par sa capacité de décision qui provient de <strong>la</strong> proximité<br />
culturelle entre investisseurs et industriels. C’est <strong>la</strong> culture « Silicon Valley » en<br />
Californie ou « Route 128 » autour du MIT où idées et décisions circulent très vite.<br />
4. La course aux standards, autorisant à installer des barrières à l’entrée et de préserver<br />
les intérêts des firmes américaines, grâce à <strong>la</strong> concertation entre les firmes et les<br />
autorités <strong>publique</strong>s. Ces standards sont de facto par <strong>la</strong> réalisation d’une hégémonie<br />
sur le marché ou de jure par l’établissement de normes internationales. Ces normes,<br />
bien évidemment, ne sont pas établies en fonction d’un bien commun ni même d’un<br />
optimum technologique, mais en fonction d’un équilibre du marché profitable à<br />
l’industrie américaine. Cet équilibre se réalise généralement dans un état où les<br />
architectures techniques sont sous l’optimal, mais permettent de verrouiller le<br />
marché et de créer un effet de lock-in. C’est le cas de <strong>la</strong> domination du standard<br />
Windows –Intel (le « wintelisme ») : Bill Gates est surnommé « The Lord of Lockin<br />
».<br />
L’avantage que les firmes américaines ont pris, est donc <strong>la</strong>rgement le fruit des<br />
politiques <strong>publique</strong>s, tandis que des pays fortement innovants comme <strong>la</strong> France ne<br />
capitalisent pas (le principe du WEB a été inventé au CERN) par perte du dynamisme<br />
de leur système national d’innovation.<br />
Les faiblesses des États-Unis sont principalement de deux ordres :<br />
1. Un manque d’étudiants qualifiés. Les États-Unis possèdent les meilleures<br />
universités du monde, ayant depuis longtemps orienté l’enseignement supérieur vers<br />
des applications opérationnelles <strong>pour</strong> l’économie, mais leur système d’enseignement<br />
secondaire est en ruine depuis l’application des réformes des années 20 – dites du<br />
« pédocentrisme » - lesquelles ont entraîné une baisse du niveau des élèves, qui<br />
n’ont pas le niveau nécessaire <strong>pour</strong> intégrer les grandes universités. Les États-Unis<br />
sont contraints d'accueillir des étudiants et des professeurs qui fréquentent<br />
majoritairement les universités et centres de recherche les plus réputés. Plus encore,<br />
ils pratiquent le « drainage des cerveaux » en attirant les meilleurs éléments formés<br />
par les universités des pays en voie de développement. Le cas le plus criant est celui<br />
de l’Inde : Un million d’Indiens, issus des meilleures universités indiennes,<br />
travaillent outre At<strong>la</strong>ntique où ils occupent des postes dirigeants dans les entreprises<br />
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