Réintégration en <strong>droit</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> français 94Salarié protégé : réintégration Un salarié, ayant été candidat à des élections professionnelles, est licencié 4 mois ½plus tard, sans que l’employeur ne sollicite l’autorisation de l’inspecteur <strong>du</strong> <strong>travail</strong> (nécessaire pourtant, car ilbénéficiait d’une protection de 6 mois). Ayant pris connaissance <strong>du</strong> statut protecteur, l’employeur réintègre le salariéavec son accord. Il le licencie à nouveau un mois plus tard (la protection était terminée) pour les mêmes faits. Lesalarié attaque au motif qu’il a été sanctionné deux fois pour le même objet. Pour la Cour d’appel, on ne peut parlerde double sanction, car la première procé<strong>du</strong>re a été mise à néant d’un commun accord. Il ne s’agissait donc pas d’uneréintégration au sens de l’article L. 436-3 <strong>du</strong> code <strong>du</strong> <strong>travail</strong>, qui ne la prévoit qu’après annulation sur recourshiérarchique ou contentieux. La Cour de cassation rétablit la réalité des faits, et annule l’arrêt de la Cour d’appel : «L’employeur est contraint de réintégrer le salarié, licencié en violation de son statut protecteur, qui en fait lademande ; le simple accomplissement de cette obligation ne fait pas disparaître le caractère illicite de la sanctionprononcée qui ne peut être réitérée à l’issue de la période de protection, pour des faits commis pendant cette périodedont la connaissance a été soustraite à l’inspecteur <strong>du</strong> <strong>travail</strong> » (Cass. Soc. 13/09/05, n° 02-45.184).La femme enceinteLa femme enceinte bénéficie de la protection instaurée par l'article L. 122-25-2 [3] <strong>du</strong> Code <strong>du</strong> <strong>travail</strong>. Son <strong>droit</strong> àréintégration est posé notamment dans un arrêt ren<strong>du</strong> par la Chambre sociale le 30 avril 2003 [4] .Lorsque l'employeur ignore l'état de grossesse de la salariée et propose de la réintégrer une fois informé de l'état degrossesse, le refus de la salariée de reprendre son <strong>travail</strong> la rend responsable de la rupture [5] et lui interdit de réclamerdes dommages-intérêts [6] .Ceci n'est plus forcément vrai dans la mesure où des arrêts de la cour de cass plus récents unifient le régime de lanullité <strong>du</strong> licenciement. - pourvoi 00-44.811 <strong>du</strong> 30/4/2003 concernant le <strong>droit</strong> à réintégration de la salariée enceintemême en présence d'un litige salarial - pourvoi 02-42315 <strong>du</strong> 16/6/2004 concernant le <strong>droit</strong> à réintégration de lasalariée enceinte même en présence d'une clause contractuelle valide qui aurait dû entrainer son licenciement poursurvenance d'un fait extérieur à l'état de grossesse.COMMENTAIRES (sur prudhommesisere.free.fr) : L. 122-25-2 <strong>du</strong> Code <strong>du</strong> <strong>travail</strong> est extrêmement protecteur etprévoit à sa demande la réintégration de la salariée en état de grossesse si le licenciement dont elle a été frappée estnul, même s'il y a un litige en cours quant à la rémunération de l'intéressée . En pratique, il peut arriver qu'unemployeur procède à un licenciement alors même qu'il ignore l'état de grossesse de la salariée. Dans ce cas l'alinéa 2de l'article L 122-25-2 <strong>du</strong> code <strong>du</strong> <strong>travail</strong> dispose que l'intéressée peut obtenir l'annulation de son licenciement sidans un délai de 15 jours à compter de la notification de la rupture <strong>du</strong> contrat elle envoie à son employeur par LRARun certificat médical justifiant de son état de grossesse. Jusqu'à présent l'application de ce texte con<strong>du</strong>isait lestribunaux à accorder la réparation pécunaire <strong>du</strong> préjudice comprenant les indemnités de licenciement, le préavis, lescongés payés et les salaires correspondant à la période protégée ainsi que d'éventuels dommages-intérêt mais lasalariée ne retrouvait pas son emploi. Le présent arrêt constitue donc un revirement de jurisprudence puisqu'ilaffirme que la nullité <strong>du</strong> licenciement permet la réintégration de la salariée à sa demande dans son précédent emploiou un emploi équivalent à moins qu'elle ne préfère l'indemnisation de son licenciement. (Cet arrêt prolonge un arrêtprécédent Cass soc 9/10/2001 n° 99-44353 Bull civ V n° 314 RJS 2001 986 n° 1468 sem soc Lamy qui indiquait "atten<strong>du</strong> cependant que le salarié dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration a <strong>droit</strong> auxindemnités de rupture et à une indemnité...." on pouvait déjà en dé<strong>du</strong>ire que la salariée pouvait demander saréintégration.) Désormais on aboutit à une unification <strong>du</strong> régime de la nullité <strong>du</strong> licenciement : ce qui est nul n'estpas censé avoir existé et ouvre <strong>droit</strong> à réintégration, le régime particulier des salariées enceintes qui les privaient deréintégration n'est plus d'actualité.Si l'employeur tarde à proposer la réintégration, la salariée peut refuser et est en <strong>droit</strong> de réclamer, sur le fondementde l'article L. 122-30 [7] , le salaire de la période couverte par la nullité <strong>du</strong> licenciement et d'éventuelsdommages-intérêts [8] . Si l'employeur propose la réintégration dès qu'il a eu connaissance de la grossesse, la salariéequi ne reprend pas son activité prend l'initiative et la responsabilité de la rupture [9] .
Réintégration en <strong>droit</strong> <strong>du</strong> <strong>travail</strong> français 95Les salariés victimes d'accident <strong>du</strong> <strong>travail</strong> ou de maladie professionnelleCes salariés sont soumis à l'article L. 122-32-2 [10] <strong>du</strong> Code <strong>du</strong> <strong>travail</strong>.Cas particuliers• Le salarié conseiller prud'hommeL'annulation d'une autorisation de licenciement d'un salarié conseiller prud'homme permet à ce dernier de demanderréintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent dans un délai de 2 mois suivant la notification de ladécision d'annulation [11] .Il ne s'agit toutefois pas ici <strong>du</strong> <strong>droit</strong> à réintégration prévu pour les délégués syndicaux, l'article L. 514-2 [12] <strong>du</strong> Code<strong>du</strong> <strong>travail</strong> renvoie seulement à l'article L. 412-18 [1] qui prévoit la procé<strong>du</strong>re spéciale de licenciement. Autrement dit,seule le non-respect de la procé<strong>du</strong>re entraine possibilité de réintégration, il en va différemment en cas d'annulation<strong>du</strong> licenciement d'un salarié conseiller prud'homme.• En cas de requalification d'un CDD (Contrat à <strong>du</strong>rée déterminée) irrégulier, le salarié a <strong>droit</strong> à des indemnitésmais pas à réintégration [13] .• Dans le cadre d'un licenciement pour motif économique, on a affaire à l'obligation de reclassement, qui estdistincte <strong>du</strong> <strong>droit</strong> à réintégration.Sauf dans le cas de l'annulation d'un licenciement suite à la nullité <strong>du</strong> plan social. Dans ce cas, un arrêt ren<strong>du</strong> par lachambre sociale le 15 février 2006 est venu préciser les limites de l'obligation de réintégration en cas d'annulationd'un licenciement pour nullité plan social : "Atten<strong>du</strong>, cependant, qu'après annulation d'un licenciement pour nullité<strong>du</strong> plan social, aujourd'hui plan de sauvegarde de l'emploi, l'obligation de réintégration résultant de la poursuite alorsordonnée <strong>du</strong> contrat de <strong>travail</strong> ne s'étend pas au groupe auquel appartient l'employeur ;". L'obligation de réintégrationne s'étend donc pas au groupe dans ce cas.• Le salarié mis à la disposition d’une filiale étrangère entre dans le champ d’application de l’article L 122-14-8 <strong>du</strong>Code <strong>du</strong> Travail. S’il est licencié par la filiale, la société mère doit assurer son rapatriement et lui procurer unnouvel emploi correspondant à ses précédentes fonctions chez elle.Si la société mère veut le licencier elle doitrespecter les règles de procé<strong>du</strong>re. Ces règles ne s’appliquent qu’aux salariés ayant précédemment <strong>travail</strong>lé pour lasociété mère.En revanche, le salarié embauché par une société et mis immédiatement à la disposition d’une filiale ne bénéficie pasdes règles édictées à l’article L 122-14-8 <strong>du</strong> Code <strong>du</strong> Travail, ni celui dont la société française est restée l’employeuret dont l’accord l’affectant au service de la filiale étrangère a soumis le contrat de <strong>travail</strong> à la législation dont relèvecette dernière.Mise en oeuvreLa réintégration <strong>du</strong> salarié doit s'effectuer, si possible, dans son emploi. À défaut, dans un emploi équivalent,c'est-à-dire offrant les mêmes perspectives de carrière, le même niveau de rémunération et la même qualification [14] .Cette réintégration doit être effective. À cet égard, la mise en disponibilité pendant la période de protection restant àcourir ne constitue pas une réintégration [15] .L'employeur est tenu de respecter ce <strong>droit</strong> et de tout faire pour le mettre en œuvre de bonne foi. Il peut cependant luiarriver de se trouver dans l'impossibilité absolue de réintégrer le salarié [16] .L’employeur qui continue à faire obstacle à la réintégration d’un salarié pourtant imposée par une décision de justices’expose à payer une indemnité égale à la rémunération que le salarié aurait perçu jusqu'à ce que, renonçant à laréintégration, il prenne acte de la rupture de son contrat.La prise d’acte de la rupture de son contrat en raison <strong>du</strong> refus de l’employeur de le réintégrer rend le licenciementsans cause réelle et sérieuse.