Ursu<strong>la</strong> Mathis« La Mariouche est pour un b<strong>la</strong>nc » (Jack Monoloy).À propos de <strong>la</strong> question des m<strong>in</strong>orités dans <strong>la</strong>chanson canadienne-française*AbstractThis article analyzes how French-Canadian songs deal with Nativem<strong>in</strong>orities, <strong>and</strong> takes a parallel look at the emergence of a new attitude <strong>in</strong>Canadian soci<strong>et</strong>y. The corpus studied <strong>in</strong>cluded 2,360 songs. Of that number,only a few address the theme of Native m<strong>in</strong>orities directly, while others allud<strong>et</strong>o it <strong>in</strong> vague terms.Songs <strong>from</strong> the 1960s targ<strong>et</strong> a public still <strong>la</strong>rgely unaware of the issue. In the1970s, songs called attention to the dem<strong>and</strong>s of Natives <strong>in</strong> much stronger,direct <strong>la</strong>nguage, with overtones of symbolism by the end of the decade. In the1980s, songs expressed no special <strong>in</strong>terest <strong>in</strong> Natives, although their lot hadnot improved any.RésuméC<strong>et</strong> article analyse le traitement du thème des m<strong>in</strong>orités autochtones dans <strong>la</strong>chanson canadienne-française, en parallèle avec l’émergence d’une nouvelleattitude au se<strong>in</strong> de <strong>la</strong> société canadienne. Le corpus étudié comprenait 2 360chansons. Parmi celles-ci, quelques-unes seulement abordent directement <strong>et</strong>pr<strong>in</strong>cipalement le thème des m<strong>in</strong>orités autochtones, t<strong>and</strong>is que d’autres n’yfont allusion que de manière vague.<strong>Les</strong> chansons des années 1960 tentent d’attirer l’attention d’un public encorepeu sensibilisé à c<strong>et</strong>te question. Celles des années 1970 font une p<strong>la</strong>cebeaucoup plus directe aux revendications des Autochtones, exprimées entermes forts, t<strong>and</strong>is qu’à <strong>la</strong> f<strong>in</strong> de <strong>la</strong> décennie elles prennent une te<strong>in</strong>te desymbolisme. Quant aux chansons des années 1980, elles n’affichent aucun<strong>in</strong>térêt spécifique pour les Autochtones, bien que <strong>la</strong> situation de ces derniersne se soit pas améliorée.<strong>Les</strong> groupes autochtones ne représentent qu’une faible proportion de <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion canadienne, mais ils y occupent une p<strong>la</strong>ce particulièrementimportante à cause de leur statut de premières nations du pays. 1 Au cours desdernières années, leur sort a fait l’obj<strong>et</strong> de débats animés, mais il n’en a pastoujours été a<strong>in</strong>si. C’est tout récemment que les B<strong>la</strong>ncs ont en gr<strong>and</strong> nombrepris conscience de <strong>la</strong> situation déplorable qui était faite aux Autochtones.International Journal of Canadian Studies / Revue <strong>in</strong>ternationale d’études canadiennes6, Fall/Automne 1992
IJCS/RIÉCNous allons étudier ici l’état de c<strong>et</strong>te prise de conscience dans un corpus d<strong>et</strong>extes spécifiques : celui de <strong>la</strong> chanson canadienne-française. Nous aborderonsc<strong>et</strong>te question en m<strong>et</strong>tant en re<strong>la</strong>tion le traitement des m<strong>in</strong>orités autochtonesdans <strong>la</strong> chanson <strong>et</strong> l’émergence d’une nouvelle attitude au se<strong>in</strong> de <strong>la</strong> sociétécanadienne.C’est surtout en Amérique du Nord, qui fait autorité dans le doma<strong>in</strong>e de <strong>la</strong>musique popu<strong>la</strong>ire, que <strong>la</strong> notion de « chanson » doit être employée avecprudence. Qu’au début, donc, quelques remarques sur le corpus <strong>et</strong> sur <strong>la</strong>chanson nous soient permises.Grâce aux documents disponibles aux archives « Textmusik <strong>in</strong> der Romania »,à Innsbruck, j’ai pu exam<strong>in</strong>er, sur <strong>la</strong> question des m<strong>in</strong>orités autochtones, untotal de 2 360 chansons, des années 1930 à aujourd’hui. 2 Sur le p<strong>la</strong>n régional,elles ne touchent pas seulement le Québec qui est, sans aucun doute, le po<strong>in</strong>td’<strong>in</strong>térêt pr<strong>in</strong>cipal, mais aussi l’Acadie avec Angèle Arsenault, CalixteDuguay <strong>et</strong> Edith Butler, 3 le Manitoba <strong>et</strong> l’Ontario avec Daniel Lavoie <strong>et</strong>Garolou <strong>et</strong>, f<strong>in</strong>alement, <strong>la</strong> Louisiane avec Zachary Richard.Quels genres de <strong>la</strong> chanson canadienne-française ont été pris enconsidération ? Avec des textes des années 1930, 1940 <strong>et</strong> 1950 de La Bolduc <strong>et</strong>d’Ovi<strong>la</strong> Légaré c’est d’abord le doma<strong>in</strong>e du folklore qui est présent <strong>et</strong> quicont<strong>in</strong>ue à vivre jusqu’à nos jours. Je rappelle une nouvelle fois ZacharyRichard, Edith Butler, les groupes Rêve du Diable, Garolou, La Bott<strong>in</strong>esouriante ou V’là l’bon vent. La chanson de style Western <strong>et</strong> Country (JeanLapo<strong>in</strong>te, Plume), par contre, très appréciée dans les années 1950 <strong>et</strong> 1960,n’est représentée que par peu d’exemples t<strong>and</strong>is que G<strong>in</strong><strong>et</strong>te Reno, Cél<strong>in</strong>eDion <strong>et</strong> Jean Lapo<strong>in</strong>te, sont les plus importants « chanteurs de charme ».La plupart des chansons viennent pourtant du <strong>la</strong>rge champ que l’on subdiviseparfois, dans <strong>la</strong> littérature spécialisée 4 ,en«chanson à texte », « chansonrock »<strong>et</strong>«chanson pop ». Parmi le premier groupe, celui des gr<strong>and</strong>s auteurscompositeurs-<strong>in</strong>terprètes,dont <strong>la</strong> naissance est reconnue en 1959, comptentGilles Vigneault, Félix Leclerc, Jacques B<strong>la</strong>nch<strong>et</strong>, Jean-Paul Filion, C<strong>la</strong>udeGauthier, Jean-Pierre Ferl<strong>and</strong>, C<strong>la</strong>ude Léveillée <strong>et</strong> Clémence Desrochers. Parcontre, en matière de recherche musicale, on ne peut pas facilement démarquer<strong>la</strong> « chanson rock » de <strong>la</strong> « chanson pop », <strong>et</strong> ici donc — à l’exception de <strong>la</strong>génération 1973 à <strong>la</strong>quelle appartiennent Marie-C<strong>la</strong>ire <strong>et</strong> Richard Ségu<strong>in</strong>, Jim<strong>et</strong> Bertr<strong>and</strong>, Beau Dommage <strong>et</strong> Harmonium — tous les autres représentants de<strong>la</strong> chanson canadienne-française qui ont été pris en compte pour notrerecherche ne sont cités qu’alphabétiquement 5 .Avec c<strong>et</strong>te déf<strong>in</strong>ition du corpus qui peut donner un premier aperçu du genre« chanson », nous arrivons à <strong>la</strong> question centrale, celle de savoir si, <strong>et</strong>comment, dans les 2 360 chansons se traduit <strong>la</strong> thématique des m<strong>in</strong>orités.J’anticipe <strong>la</strong> réponse : <strong>la</strong> chanson canadienne-française, étonnamment, aborde128