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déchets. stigmatisations, commerces, politiques ... - Viva Rio en Haiti

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mais aussi dans leurs pratiques quotidi<strong>en</strong>nes, notamm<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ant les <strong>déchets</strong> <strong>en</strong> dehors des habitations,<br />

loin des corps. Nous avons constaté que,<br />

comme c’est <strong>en</strong> général le cas dans les grandes métropoles,<br />

la plus grande partie des <strong>déchets</strong> n’est<br />

pas produite par les habitants des régions extrêmem<strong>en</strong>t<br />

pauvres. Les habitants insist<strong>en</strong>t avec raison<br />

sur le fait que la saleté vi<strong>en</strong>t d’ailleurs, des<br />

hauteurs de la ville et des marchés. 38<br />

Cette situation explique aussi la grande visibilité<br />

qu’ont eues les actions de <strong>Viva</strong> <strong>Rio</strong> dans la<br />

région : tout à coup, les habitants ont vu apparaître<br />

des poubelles dans les rues et les av<strong>en</strong>ues, des<br />

nouveaux containers ont été installés aux coins<br />

des rues, des brigades de balayeurs se sont mises<br />

à nettoyer quotidi<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t les voies publiques, le<br />

canal de Pont Rouge a continué à être dragué même<br />

après les jours de pluie, lorsqu’il était de nouveau<br />

inondé par les <strong>déchets</strong> qui desc<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t des<br />

parties hautes de la ville.<br />

Les phrases telles que « La mer ne reti<strong>en</strong>t pas<br />

la crasse » ou « L’eau qui court est toujours propre<br />

» n’ont pas été recueillies auprès de personnes<br />

<strong>en</strong> train de jeter des <strong>déchets</strong>, elles ont été prononcées<br />

lorsqu’il s’agissait de comm<strong>en</strong>ter ou d’expliquer<br />

les habitudes de ceux qui jett<strong>en</strong>t leurs<br />

<strong>déchets</strong> de manière anarchique. En plus de décrire<br />

des habitudes d’hygiène, ces phrases exprim<strong>en</strong>t<br />

un jugem<strong>en</strong>t moral sur des coutumes considérées<br />

comme inconv<strong>en</strong>antes et mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce<br />

la dynamique de stigmatisation sociale liée<br />

aux <strong>déchets</strong>.<br />

37 Un type de déchet que l’on r<strong>en</strong>contre souv<strong>en</strong>t dans<br />

les rues est le petit sachet d’eau potable. Comme nous<br />

l’avons montré dans un travail antérieur, les sachè dlo<br />

sont la principale source d’eau potable de la région (Neiburg<br />

& Nicaise 2009). Plusieurs personnes interviewées<br />

au cours de cette recherche ont attiré notre att<strong>en</strong>tion sur<br />

les caractéristiques singulières de ce type de déchet, sur<br />

l’importance de sa gestion pour l’assainissem<strong>en</strong>t de la<br />

région de Port-au-Prince et sur la nécessité d’inv<strong>en</strong>ter<br />

des formes de réutilisation ainsi que des instrum<strong>en</strong>ts<br />

légaux (comme c’est le cas dans d’autres pays) contraignant<br />

les <strong>en</strong>treprises qui les produis<strong>en</strong>t à payer une partie<br />

des coûts <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>taux qu’ils <strong>en</strong>traîn<strong>en</strong>t.<br />

38 D’une manière générale, une grande proportion des<br />

<strong>déchets</strong> produits par les populations extrêmem<strong>en</strong>t pauvres<br />

est organique, au contraire des régions riches des<br />

grandes métropoles qui produis<strong>en</strong>t une plus grande<br />

quantité de <strong>déchets</strong> non-organiques.<br />

La logique de stigmatisation révèle à son tour<br />

que la « question de la saleté » fait partie d’une<br />

confi guration sociale de plus grande échelle, dans<br />

laquelle <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> jeu des questions d’urbanisme<br />

(la gestion des <strong>déchets</strong> de la ville), des questions<br />

<strong>politiques</strong> (des modalités de gestion des <strong>déchets</strong>,<br />

malgré le caractère sporadique des <strong>politiques</strong><br />

publiques, l’abs<strong>en</strong>ce de défi nition des compét<strong>en</strong>ces<br />

<strong>en</strong>tre les organes responsables et le manque<br />

de budgets spécifi ques), des questions relatives<br />

à la coopération internationale (qui ont des<br />

conséqu<strong>en</strong>ces sur la manière de formuler et de répondre<br />

au problème dans la mesure où elle importe<br />

des modèles de gestion et des ressources).<br />

Nous avons vu que les personnes ne font pas<br />

que jeter les <strong>déchets</strong>, elles les réutilis<strong>en</strong>t et les rev<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t.<br />

La commercialisation d’objets jetés par<br />

d’autres représ<strong>en</strong>te une partie importante de l’économie<br />

des petits bénéfi ces qui fait partie des mécanismes<br />

de survie des individus et des familles<br />

qui viv<strong>en</strong>t dans la région. Tout comme la dynamique<br />

de production d’inégalités sociales et celle des<br />

<strong>politiques</strong> (du gouvernem<strong>en</strong>t et des ag<strong>en</strong>ces d’interv<strong>en</strong>tion),<br />

l’univers des <strong>déchets</strong> révèle aussi l’importance<br />

du marché dans la structuration de la vie<br />

sociale haïti<strong>en</strong>ne.<br />

DÉCHETS | 31

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