PERSPECTIVES montrent désormais leur intérêt pour la formation d’un État indépendant », souligne le chercheur. Il conclut en expliquant, dépité, « ne pas faire confiance aux élites pour réparer la structure politique défectueuse et répondre aux tensions ethno-religieuses engendrées par les dysfonctionnements. Tout changement fondamental doit être mené depuis la base par le peuple », à l’exemple du mouvement End SARS (Special Anti-Robbery Squad), la révolte de la jeunesse contre les brutalités policières. UNE JEUNESSE DÉSABUSÉE En octobre 2020, le Nigeria a en effet connu les plus importantes manifestations de son histoire récente. Après la diffusion d’une vidéo montrant l’exécution sommaire d’un suspect par des policiers de l’escadron spécial anticriminalité SARS, la jeunesse avait investi les rues des grandes villes pour crier son ras-lebol de l’arbitraire. Ces manifestations contre les violences policières avaient été réprimées par… un surcroît de brutalités policières, qui ont logiquement soufflé sur les braises de la colère populaire. Selon Amnesty International, au moins 56 personnes ont perdu la vie en marge du mouvement End SARS. La répression a culminé dans la soirée du 20 octobre au péage de Lekki (une banlieue aisée de Lagos), lorsque l’armée a tiré sur des manifestants pacifiques qui entonnaient l’hymne national, en tuant au moins 12. Face à la contestation, le gouvernement avait dû concéder le démantèlement du corps de police honni, puis ordonné aux gouverneurs des États fédérés d’enquêter sur les abus. Mais rien n’a changé sur le fond, selon les vétérans et porte-parole du mouvement social, qui dénoncent un simple exercice de communication : après quelques semaines d’accalmie, les brutalités sont revenues ponctuer la vie quotidienne des habitants. Et selon l’organisation non gouvernementale internationale, deux ans après End SARS, une quarantaine de manifestants seraient toujours en détention… Le mouvement a tout de même représenté un progrès : la jeunesse a démontré ses capacités d’organisation (notamment grâce aux réseaux sociaux). Consciente de sa force, elle refuse de se faire confisquer son destin. Elle se veut solide, déterminée, méfiante envers les institutions défaillantes, et s’est surnommée « Génération tête de noix de coco ». « Par la grâce d’être des citoyens globaux, nous avons voyagé, physiquement ou virtuellement, dans des contrées plus développées », explique le jeune intellectuel Mfonobong Inyang, auteur du livre Lazy Nigerian Youths: Understanding This Coconut Head Generation, paru en 2021. « Nous avons fait l’expérience, ou vu, des endroits où les choses fonctionnent. Nous exigeons les mêmes opportunités… Nous ne voulons pas d’un Nigeria où le seul rêve consiste à japa [“émigrer” en argot yoruba, ndlr] d’un pays où il faut connaître quelqu’un pour être quelqu’un. » L’offre politique a de quoi désespérer cette jeunesse. Les deux rassemblements dominants, le Congrès des progressistes (APC) et le Parti démocratique populaire (PDP), n’ont guère de différence idéologique flagrante, et alternent au pouvoir avec les mêmes leaders : Bola Ahmed Tinubu (70 ans), ancien gouverneur de Lagos, est le candidat de l’APC, parti du président Muhammadu Buhari. Face à lui, Atiku Abubakar (76 ans), candidat du PDP, était déjà vice-président sous les mandats du général Olusegun Obasanjo (1999-2007). Désigné en juin, Tinubu risque de payer les frais du bilan peu glorieux du chef d’État sortant. Un indice a en effet de quoi inquiéter l’APC : en juillet dernier, lors d’une élection partielle, le candidat du PDP a remporté le poste de gouverneur dans l’État d’Osun (sud-ouest), pourtant un fief de Tinubu. Abubakar, lui, pourrait pâtir de sa réputation sulfureuse d’officiel corrompu : il a ainsi fait fortune alors qu’il dirigeait… le département des douanes ! Un troisième candidat pourrait néanmoins créer la surprise : Peter Obi, homme d’affaires de 61 ans, a quitté l’an dernier le PDP après avoir échoué à SEUN SANNI/REUTERS Une manifestation demandant la réforme de la police, à Lagos, le 20 octobre 2020. 54 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>435</strong>-<strong>436</strong> – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023
Au moins 56 personnes auraient perdu la vie en marge du mouvement End SARS. AFRIQUE MAGAZINE I <strong>435</strong>-<strong>436</strong> – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023 55
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