Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
ENJEUX<br />
C’est ce pays que l’on qualifie un peu<br />
facilement de « petit », et pourtant<br />
268000 km 2 – presque une demi-<br />
France tout de même –, 76 e au classement<br />
mondial, ce n’est pas si mal.<br />
Un pays d’avant-garde en matière<br />
d’écologie, couvert encore par l’une<br />
des plus belles forêts équatoriales du<br />
monde. Un pays relativement riche<br />
lorsque l’on regarde les chiffres (avec<br />
un PIB par habitant de plus de 8000 dollars), riche aussi lorsque<br />
l’on s’intéresse à ses ressources, le pétrole bien sûr (5 e producteur<br />
d’Afrique subsaharienne), les forêts évidemment, les mines,<br />
le potentiel touristique, agricole. Un pays inégalitaire où une<br />
petite élite urbaine d’hommes d’affaires et politiques concentre<br />
l’essentiel des revenus. Un pays sous-peuplé (2,3 millions d’habitants),<br />
l’une des plus faibles densités du continent (9 habitants/<br />
km 2 ), où les communications d’une région à une autre, d’une<br />
communauté à l’autre sont complexes. Un « pays village », secoué<br />
en permanence par des querelles picrocholines et des rivalités<br />
incessantes, souvent tout aussi stériles qu’absconses. Un pays<br />
de cocagne, normalement, une « Suisse de l’Afrique » disait-on<br />
avant, qui apparaît pourtant comme immobile, en attente d’assumer<br />
un avenir ambitieux. Libreville, capitale ouverte sur<br />
l’océan, bercée par son front de mer, alanguie tout en étant<br />
régulièrement paralysée par les embouteillages, ressemble à il<br />
y a dix ou quinze ans, en mode pause, à la recherche d’une<br />
fébrilité créative, de changements et de modernisation.<br />
Le Gabon est un potentiel, une promesse, mais c’est aussi un<br />
pays en crise économique structurelle. Depuis 2008-2009, le PIB<br />
progresse lentement, passant de 13 à 18,3 milliards de dollars<br />
aujourd’hui, avec des mouvements brutaux en dents de scie. Le<br />
PIB par habitant est grosso modo le même qu’il y a dix ans. Selon<br />
les chiffres officiels, 30 % des Gabonais vivent au-dessous du<br />
seuil de pauvreté, soit avec moins de 580 francs CFA par jour<br />
(même pas 1 euro)… Les déficits en matière d’offre sociale sont<br />
criants, tant sur le plan de l’éducation que sur ceux de la santé,<br />
de la formation. Le chômage est endémique chez les jeunes, qui<br />
représentent une très grande majorité de la population.<br />
retour à la croissance est long, difficile, mais la guerre joue dans<br />
les deux sens. Les cours de l’or noir sont haussiers. Et le Trésor<br />
public se porte mieux…<br />
C’est ce pays tout en contrastes, à la recherche d’un nouveau<br />
souffle, qui s’apprête à se lancer dans un cycle politique<br />
particulièrement exigeant. Présidentielle, législatives, locales,<br />
le programme de 2023 est particulièrement chargé (si les dates<br />
et les échéances sont respectées). Présidentielle en juillet-août.<br />
Législatives et locales en octobre. Les Gabonaises et Gabonais<br />
devront voter, choisir, quelles que soient les circonvolutions ou<br />
les manipulations de la classe politique.<br />
La clé, évidemment, c’est l’élection présidentielle. Un défi<br />
pour le Gabon. Les plaies de celle de 2016 ne sont pas refermées.<br />
Les résultats du scrutin, plus que serré (avec, en particulier, le<br />
vote à quasi 100 % pour le candidat Ali Bongo Ondimba dans<br />
sa province du Haut-Ogooué), ont été violemment contestés<br />
par la rue. Libreville a vécu des journées tragiques, avec de<br />
nombreuses victimes et des mises à sac. Et Jean Ping, candidat<br />
de l’opposition – et par ailleurs ex-beau-frère du président sortant<br />
–, n’a jamais reconnu sa défaite. Le procès en illégitimité<br />
s’est installé durablement. Le climat est resté tendu, c’est le<br />
moins que l’on puisse dire.<br />
Ali Bongo Ondimba sera très certainement à nouveau candidat,<br />
après 2009 et 2016. Dans une élection qui se jouera à<br />
LE DÉFI DE LA PRÉSIDENTIELLE<br />
Les derniers temps ont été particulièrement rudes. Le président<br />
Ali Bongo Ondimba (ABO), au pouvoir depuis 2009,<br />
fils d’Omar Bongo Ondimba (qui a « régné » lui-même près de<br />
quarante-deux ans), a été victime d’un accident vasculaire cérébral<br />
(AVC), en octobre 2018. La conjoncture économique a été<br />
frappée de plein fouet par l’épidémie de Covid-19 et les multiples<br />
confinements. Le pays est entré en récession (-3,9 % en 2019<br />
et -1,9 % en 2020). Les conséquences de la guerre en Ukraine<br />
sont venues rajouter leur lot de contraintes, avec en particulier<br />
l’inflation. Et son impact sur une population déjà fragilisée. Le<br />
Au centre, le président du RPM, Alexandre Barro Chambrier,<br />
et le candidat de l’opposition en 2016, Jean Ping, le 30 novembre<br />
2022, dans la capitale.<br />
deux tours pour la première fois depuis l’indépendance du pays.<br />
Un processus électoral qui rebat les cartes. Évidemment, l’idéal<br />
pour lui serait d’obtenir une victoire au premier tour, quelle<br />
que soit la marge, pour clore toute tentative d’alliance potentiellement<br />
victorieuse. On pourra s’attendre à de nombreuses<br />
manœuvres aussi sophistiquées que « tordues » de part et d’autre.<br />
L’enjeu est essentiel : c’est le pouvoir dans un pays sans véritables<br />
DR<br />
60 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>435</strong>-<strong>436</strong> – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023