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RÉCIT<br />
Elle devient le premier<br />
transporteur africain<br />
en 2019, en s’appuyant<br />
entre autres sur la position<br />
géographique du hub<br />
d’Addis.<br />
également durant cette période pour laisser aux Éthiopiens plus<br />
de place au sein de l’entreprise : son préambule affirme, en 1953,<br />
qu’elle doit, à terme, être entièrement exploitée par du personnel<br />
local. En parallèle, elle acquiert un poids important sur le<br />
continent et entre dans l’ère du jet. Souhaitant se doter des derniers<br />
Boeing, la compagnie ne peut plus compter sur l’aéroport<br />
de Lideta et sa piste unique. Il est alors décidé d’en construire<br />
un second qui permettra d’accueillir les nouveaux appareils :<br />
l’aéroport de Bole est inauguré en 1961, et Ethiopian Airlines y<br />
établit son siège. Un an plus tard, deux Boeing 720 sont livrés.<br />
En 1970, face à la croissance de la société, TWA passe du rôle de<br />
gestionnaire à celui de conseiller et l’Éthiopien Semret Medhane<br />
est nommé directeur général pour son 25 e anniversaire. Le futur<br />
fleuron du pays vole désormais de ses propres ailes.<br />
En septembre 1974, Haïlé Sélassié est renversé à la suite<br />
d’une révolution qui met fin à son régime impérial et vermoulu.<br />
Une longue période de dix-huit ans de dictature militaire sanglante<br />
débute. La junte, menée par Mengistu Haile Mariam,<br />
rapidement surnommé le « Négus Rouge », installe un gouvernement<br />
marxiste-léniniste à parti unique prônant un « socialisme<br />
éthiopien » : c’est la naissance du Derg. Ses responsables interviennent<br />
rapidement dans les affaires internes de la compagnie :<br />
ils licencient Semret Medhane et le remplacent par un général.<br />
Leurs interventions répétées provoquent des pertes financières<br />
importantes et, à la fin des années 1970, la compagnie aérienne<br />
est proche de la faillite. Il faut sauver celle qui est devenue stratégique,<br />
y compris pour le Derg, grâce à sa capacité de fret, qui<br />
permet de désenclaver le pays. En 1980, sa direction convainc<br />
les responsables du Derg de nommer au poste de PDG une personne<br />
évoluant dans le secteur : ce sera le capitaine Mohammed<br />
Ahmed, qui exige en échange que le pouvoir intervienne moins<br />
dans les affaires internes de la compagnie. En outre, face à la<br />
demande du Derg de cesser d’acheter des avions américains et<br />
de ne passer commande qu’à l’Union soviétique (dont le régime<br />
est proche), la direction d’Ethiopian Airlines menace, collectivement,<br />
de démissionner, l’obligeant à revenir sur sa décision. Un<br />
tel changement aurait été désastreux pour une société construite<br />
sur le modèle américain, tant sur le plan technique que sur le<br />
plan managérial. Elle peut alors continuer d’enrichir sa flotte,<br />
et est rapidement considérée comme un « exemple d’excellence »<br />
par le très réputé hebdomadaire britannique The Economist.<br />
Les compromis avec le Derg témoignent de l’émergence<br />
du transport aérien comme secteur économiquement crucial.<br />
Jusqu’à la chute du régime, en 1991, les conflits sont permanents<br />
dans le pays. Pendant cette période de fortes turbulences,<br />
la compagnie réussit à tenir le cap et reste l’une des plus rentables<br />
du continent, en prenant des initiatives stratégiques pour<br />
améliorer son efficacité et en développant de manière accrue<br />
les liaisons intra-africaines. Elle déplace également temporairement<br />
sa flotte à Nairobi, en accord avec les autorités kenyanes,<br />
face aux risques provoqués par l’avancée de l’armée du Front<br />
démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien.<br />
UNE ENTREPRISE PIONNIÈRE<br />
À l’aune du XXI e siècle, avec le retour de la « stabilité » à Addis,<br />
la compagnie s’organise et enrichit son catalogue de liaisons<br />
internationales avec l’Afrique du Sud, l’Asie (Pékin et Bangkok)<br />
et les États-Unis. En 2005, devancée par South African Airways,<br />
Egyptair et Kenya Airways en nombre de passagers transportés,<br />
elle met en place un plan visant à atteindre les 3 millions de voyageurs<br />
en cinq ans. Un objectif dépassé dès 2010. Plus ambitieux<br />
encore, le programme « 2025-Vision » est alors lancé, avec pour<br />
objectif d’accroître le nombre de passagers ainsi que la taille de<br />
la flotte. Ethiopian Airlines devient le premier transporteur africain<br />
en 2019, et poursuit sa croissance, profitant de la position<br />
géographique de la capitale et augmentant ses parts de marché<br />
sur le transport aérien régional. Le but<br />
est de capter les trafics régionaux ou<br />
locaux vers des hubs intermédiaires, qui<br />
doivent à leur tour alimenter la plateforme<br />
d’Addis. C’est le trafic de « continuation<br />
». En 2013, la compagnie prend<br />
une participation de 49 % dans Malawi<br />
Airlines. Plus récemment, en 2021, en<br />
devenant actionnaire à 45 % de Zambia<br />
Airways, elle a apporté un appui<br />
stratégique qui a permis à cette compagnie<br />
de reprendre ses activités, après<br />
vingt-sept ans d’absence. Elle détient<br />
également 40 % d’Asky Airlines, société<br />
panafricaine basée au Togo qui dessert<br />
une vingtaine de pays d’Afrique de l’Ouest et centrale, et sur<br />
laquelle elle mise pour développer le hub de Lomé – notamment<br />
pour en faire un espace spécialisé dans la maintenance et la<br />
formation aéronautiques. Ethiopian peut en outre compter sur<br />
d’autres partenariats stratégiques, au Tchad (Tchadia Airlines) et<br />
en Guinée équatoriale (Ceiba Intercontinental), ainsi que sur un<br />
accord trouvé avec le gouvernement de la République démocratique<br />
du Congo pour l’amorçage des activités d’Air Congo, qu’elle<br />
72 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>435</strong>-<strong>436</strong> – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023