CE QUE J’AI APPRIS Thomas Bimaï LE DANSEUR FRANCO-C<strong>AM</strong>EROUNAIS signe la chorégraphie de la comédie musicale Black Legends, qui retrace l’histoire des musiques afro-américaines et des luttes qu’elles ont accompagnées. propos recueillis par Astrid Krivian Je suis né à Douala, entouré d’odeurs, de bruits, de danses. Les gens s’expriment à travers le corps, le visage, les mains. La danse en Afrique, c’est organique et ça relève souvent de la transe. Ce n’est pas une discipline que l’on apprend, elle fait partie de notre culture. Elle coule dans nos veines. Je danse parce que je suis. Je suis ce que je danse. Le Cameroun m’a donné cette lecture du corps. Ces images d’enfance restent gravées en moi. Elles me sont revenues quand j’ai commencé à danser en France, où je suis arrivé à 6 ans. Aujourd’hui, elles me servent même à guider des danseurs français qui ne verront peut-être jamais ce pays. Pour de nombreux chorégraphes, la technique est importante. À mes yeux, c’est la justesse qui compte. Quand je travaille un mouvement, je ne cherche pas une technique précise, un style. Avec mes danseurs, on s’évertue à trouver le juste, à défendre le propos. Je mets mes connaissances, ma formation de danse académique et urbaine, au service de l’histoire. Le geste pour le geste ne m’intéresse pas. J’aime danser pour des projets engagés, comme pour Madiba, le musical, en hommage à Nelson Mandela. Je suis pratiquement le seul chorégraphe noir dans le milieu des comédies musicales actuellement en France. Et je signe la chorégraphie d’un spectacle sur l’histoire des Noirs américains, comme si je ne pouvais pas être crédible sur d’autres projets. Alors que j’ai le même parcours que les autres, et que j’ai des idées, un propos. Défendre Black Legends m’aide aussi à me défendre. Et d’affirmer : je suis là, je n’ai pas honte, j’ai des choses à dire. En 2022, le combat n’est pas fini, non seulement pour les Noirs mais aussi pour toutes les minorités. Ce spectacle leur dit : vous existez, continuez la lutte, car les choses évoluent. L’histoire afro-américaine ne concerne pas que les Américains : c’est l’histoire du monde, du peuple noir. Enfant, j’ai été bercé par ces musiques afro-américaines. Elles tournaient en boucle sur la platine de mon père, me faisaient danser. Bien plus que des chansons, elles représentent des instants de mon cheminement. Black Legends, Théâtre Bobino, Paris, jusqu’au 8 janvier. Avant d’entrer en scène, j’ai mon rituel. Je fais des pompes, des abdos, du gainage, de la méditation. J’établis une dimension spirituelle avec mon corps, afin de me calmer, d’évacuer le stress, l’énergie négative, et surtout, de communiquer avec lui, me centrer. On voudrait que je choisisse entre mes deux identités. Mais je me situe en équilibre sur une ligne, entre mes deux cultures, où je puise mes richesses. Ma puissance, ma réflexion sont camerounaises, mon intelligence est française. Au Cameroun, on me perçoit comme un Français, un mbenguiste. Je l’accepte. Et en France, on me demande sans cesse mes origines, ce qui sous-entend que je ne suis pas d’ici. Je l’accepte aussi. Je ne suis pas perdu ! Je suis juste au milieu, un pont reliant deux mondes. Ma spiritualité camerounaise me permet de gérer le tangible en France, et vice-versa. J’effectue cette passation à travers la danse. ■ DR 66 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>435</strong>-<strong>436</strong> – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023
NICOLAS FRIESS « Je suis là, je n’ai pas honte, j’ai des choses à dire. »
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