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Recueillement sur le lieu<br />

du crash du vol ET 302,<br />

qui a fait 157 victimes<br />

le 10 mars 2019, près<br />

d’Addis-Abeba.<br />

TIKSA NEGERI/REUTERS<br />

FAIRE PREUVE DE RÉSILIENCE<br />

Malgré ses succès, Ethiopian n’est pas complètement hermétique<br />

aux crises. Les conséquences de la pandémie de Covid-19,<br />

frappant de plein fouet le tourisme, l’ont montré : la compagnie<br />

a dû suspendre 90 % de ses vols à l’international au pic de la<br />

crise. Au 30 juin 2020, elle accusait une chute de 5 % de ses<br />

revenus par rapport à 2019. Tewolde GebreMariam, alors PDG,<br />

déclarait que l’entreprise « luttait pour sa survie ». Elle a donc<br />

décidé de privilégier son activité de fret, convertissant 25 avions<br />

passagers en avions-cargos pour transporter, essentiellement,<br />

des équipements médicaux dans plus de 80 pays. Grâce à cette<br />

stratégie, la société a largement diminué les effets de la crise<br />

et a même soigné son image auprès des partenaires internationaux<br />

comme l’Organisation mondiale de la santé et certains<br />

pays d’Asie et d’Amérique du Sud, pour qui elle a assuré des<br />

liaisons permettant notamment la livraison de vaccins.<br />

Mais c’est le 10 mars 2019 qu’elle connaît sans doute le pire<br />

drame de son histoire : le Boeing 737 Max assurant le vol 302<br />

Addis-Abeba-Nairobi s’écrase six minutes après le décollage, causant<br />

la mort de 157 personnes, dont le plus jeune pilote de la compagnie,<br />

Yared Getachew. Le système automatisé de prévention<br />

de décrochage de l’avion est mis en cause. À peine sorti des lignes<br />

d’assemblage de Boeing, le 737 Max est un moyen-courrier de<br />

nouvelle génération, qui a déjà connu un autre crash, en 2018 :<br />

le 29 octobre, un vol de Lion Air s’abîmait en mer en Indonésie,<br />

quelques minutes après le décollage, causant la mort de 189 personnes.<br />

Le scandale est retentissant et affecte le constructeur<br />

américain, qui reconnaît sa responsabilité dans l’accident et<br />

passe un accord avec les familles des victimes fin 2021. Trois<br />

ans plus tard, après avoir effectué de profondes re-certifications,<br />

le Boeing 737 Max est de retour chez Ethiopian Airlines. Mais, le<br />

15 août 2022, les deux pilotes d’un vol reliant Khartoum à Addis-<br />

Abeba se sont endormis en plein trajet, ne répondant plus aux<br />

appels des contrôleurs aériens. Fort heureusement, une alarme<br />

lancée par le pilote automatique s’est déclenchée une fois la piste<br />

d’atterrissage dépassée, et l’avion a finalement atterri à bon port.<br />

En attendant les résultats de l’enquête interne, les deux hommes<br />

ont été suspendus. Mais les mauvais souvenirs ont rejailli. En<br />

outre, des polémiques concernant le rôle d’Ethiopian dans le<br />

conflit du Tigré ont éclaté fin 2021. Une enquête de la chaîne<br />

américaine CNN a révélé des documents indiquant que le gouvernement<br />

fédéral, alors en guerre face aux rebelles du Tigré<br />

depuis novembre 2020, aurait utilisé la compagnie pour acheminer<br />

des armes depuis et vers l’Érythrée. Cela constituerait<br />

une violation du droit aérien international, le transport d’armes<br />

à usage militaire à bord d’avions civils étant considéré comme<br />

de la contrebande. Ethiopian Airlines a nié, mais les preuves<br />

semblaient pourtant crédibles. Le 23 novembre, sans avoir réellement<br />

été inquiétée par cette affaire, elle a annoncé la reprise<br />

des vols vers la région du Tigré à la suite d’un accord de paix<br />

entre gouvernement et rebelles un peu plus tôt dans le mois.<br />

En mars dernier, alors qu’il tenait le manche depuis plus<br />

de onze ans, la figure emblématique de la compagnie, Tewolde<br />

GebreMariam, a démissionné, officiellement pour des raisons<br />

de santé. Mesfin Tasew, directeur des opérations depuis 2010,<br />

lui a succédé, sans aucune turbulence. L’entreprise donne ainsi<br />

une image de continuité, mais les défis sont pourtant là : il faudra<br />

maintenir la compétitivité, l’indépendance, la performance<br />

d’une compagnie globale, d’une véritable réussite africaine,<br />

dans un environnement international complexe, avec la hausse<br />

des coûts de l’énergie, la persistance de la menace du Covid…<br />

Et surtout, en étant au cœur d’une Éthiopie hautement instable,<br />

constamment tiraillée par les démons du séparatisme et de<br />

l’éclatement. Encore une fois, c’est tout le paradoxe Ethiopian. ■<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>435</strong>-<strong>436</strong> – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023 75

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