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RÉCIT<br />
Hamza Hraoui<br />
« La compagnie joue<br />
dans la cour des grands »<br />
Expert en aviation et directeur général<br />
du cabinet d’affaires publiques MGH Partners<br />
<strong>AM</strong> : Comment décryptez-vous le succès,<br />
et surtout la résilience d’Ethiopian Airlines<br />
face aux crises successives ?<br />
Hamza Hraoui : Sa robustesse remonte aux origines.<br />
Elle devait surtout assurer le désenclavement d’une<br />
Éthiopie sans aucun débouché maritime. Avec cet ADN<br />
de « libérateur », en quelque sorte, l’État a mobilisé des<br />
moyens considérables. On a aussi vu à quelle vitesse la<br />
compagnie s’est adaptée aux crises successives. En pleine<br />
pandémie de Covid-19 notamment, Ethiopian a maintenu<br />
une cadence opérationnelle presque au niveau normal.<br />
Principalement grâce au fret. Avec une fiabilité reconnue<br />
par les opérateurs transcontinentaux et les<br />
organisations internationales. Autre point<br />
fort à relever, son ambition stratégique<br />
transcontinentale : elle s’est dotée de<br />
moyens pour assurer des liaisons régulières<br />
vers l’Europe, l’Asie, l’Amérique du Nord.<br />
Elle a même préempté des routes négligées<br />
par les autres compagnies, comme<br />
Afrique-Amérique du Sud. Enfin, la bonne<br />
gouvernance est l’élément clé. Même si<br />
l’État est actionnaire à 100 %, la gestion<br />
de l’entreprise est sanctuarisée. Celui-ci ne<br />
subventionne pas directement mais accorde<br />
des prêts bonifiés, lui octroie une marge<br />
de manœuvre très large pour gérer les<br />
bénéfices, et ne réclame pas de dividendes.<br />
Qui peut la concurrencer<br />
sur le continent ?<br />
Sur le plan africain stricto sensu, quand on parle<br />
d’Ethiopian, on pense instinctivement à Royal Air Maroc<br />
(R<strong>AM</strong>) et à South African Airways. La première a été<br />
fortement freinée par le contexte pandémique, et a vu<br />
son plan de développement être transformé en plan de<br />
renflouement par l’État. La relance économique qui a<br />
accompagné la levée des boucliers sanitaires a fait du<br />
bien, mais on attend toujours un plan stratégique de<br />
renouvellement pour une ambition transcontinentale. Sa<br />
rentabilité s’appuie essentiellement sur des destinations<br />
européennes ainsi que sur quelques routes ouestafricaines.<br />
La seconde, South African Airways, n’a pas<br />
mieux encaissé le choc sanitaire et reste engluée dans<br />
des problèmes de gouvernance. Sa privatisation partielle<br />
(51 %) donnera certainement une bouffée d’air à ses<br />
finances, qui avaient besoin de 3,5 milliards de dollars<br />
pour la réalisation de son plan de sauvetage. Mais d’autres<br />
compagnies mondiales ont désormais un point de vue<br />
différent sur le vaisseau amiral éthiopien. Avec une taille<br />
combinée de leurs flottes de plus de 500 avions, Qatar<br />
Airways et Emirates veulent régner sans partage sur le<br />
marché asiatique. La bataille du ciel<br />
« La bonne<br />
gouvernance<br />
est l’élément<br />
clé. Même<br />
si l’État est<br />
actionnaire<br />
à 100 %, la<br />
gestion de<br />
l’entreprise est<br />
sanctuarisée . »<br />
sera rude pour Ethiopian, car elle joue<br />
maintenant dans la cour des grands.<br />
Quel regard portez-vous<br />
sur la compagnie, sa flotte<br />
et les services qu’elle propose ?<br />
Concernant la qualité de sa flotte,<br />
Ethiopian Airlines marque des points.<br />
C’est la première compagnie africaine à<br />
opérer avec les dernières technologiques<br />
embarquées, comme sur le dernier né<br />
d’Airbus, l’A350, ou encore le 737 Max,<br />
même si parfois, cela représente des<br />
risques (comme le crash du vol 302 le<br />
10 mars 2019). Elle assure deux centres<br />
de maintenance de rang mondial, et<br />
c’est l’une des rares qui est capable de<br />
fournir des services « lourds » sur des<br />
A350, B73, B757, B767, B777-200/300 ou B787. Enfin, la<br />
société a compris qu’une refonte de l’expérience client – le<br />
parent pauvre de son offre – était cruciale. Cela démarre<br />
dès le premier contact, et très souvent, il intervient sur le<br />
site Internet – lequel devra être amélioré prochainement.<br />
Quant au hub de Bole, il connaîtra un trafic beaucoup<br />
plus important lors des cinq prochaines années. Là aussi,<br />
il s’agira d’être à la hauteur des ambitions, en proposant<br />
une meilleure expérience pour les passagers. ■<br />
DR<br />
74 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>435</strong>-<strong>436</strong> – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023