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AM 435-436

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CINÉ<br />

LE VERGER DES DÉSIRS<br />

La cueillette des figues dans la Tunisie rurale, occasion de dialogues sur<br />

les rapports femmes-hommes et la jeunesse arabe aujourd’hui. Un film<br />

CHORAL ET SOLAIRE qui n’en finit pas de récolter des lauriers…<br />

HENIA PRODUCTION MANEKI FILMS - DR<br />

UN SOLEIL ÉCRASANT, des corps et des visages filmés au<br />

plus près, des discussions et des échanges permanents… La<br />

filiation avec certains films d’Abdellatif Kechiche est évidente,<br />

et même revendiquée par la réalisatrice. Mais Erige Sehiri<br />

[voir son interview pp. 82-87] vient du documentaire : son<br />

premier, La Voie normale (2018), racontait les problèmes d’une<br />

ligne de chemin de fer tunisienne. Elle nous plonge ici en<br />

pleine saison de la récolte des figues dans le nord-ouest rural<br />

du pays, où l’on parle un arabe mâtiné de berbère rarement<br />

entendu au cinéma. Ce ballet des saisonniers (surtout des<br />

saisonnières) dans le bruissement de feuilles offrant une ombre<br />

bienvenue est l’occasion d’échanges vifs et savoureux. Mais<br />

aussi de moments de grâce, voire d’impromptus intégrés à la<br />

narration (un vieux monsieur qui se mêle d'une conversation<br />

sur les rapports hommes-femmes). Il n’y a aucun comédien<br />

professionnel, tous connaissent visiblement les gestes de<br />

ce travail sous les branches, où ils font attention à ne pas<br />

abîmer des fruits fragiles tout en bavardant. Mais c’est une<br />

fiction, même si l’on comprend les dures conditions imposées<br />

à ces ouvriers sous-payés, victimes de harcèlement (sexuel<br />

pour les femmes), et encouragés à la délation contre ceux<br />

qui détournent une partie de la récolte. Une réalité souvent<br />

complexe : face à un garçon qui reproche aux filles leur<br />

voile et l’impossibilité du contact, il y en a une qui défend<br />

son foulard et explique vouloir un mari croyant, viril et<br />

rassurant, tandis qu’une autre affirme son indépendance<br />

en laissant ses cheveux se découvrir sans cesse… Un film<br />

féministe qui donne à entendre le point de vue des hommes<br />

et décrit un destin commun pour ces habitants coincés dans<br />

leur condition sociale. Il y a aussi des chants émouvants et<br />

joyeux, dans cette journée unique – qui occupe tout le film –,<br />

entre l’arrivée et le départ sur les camions qui transportent ce<br />

prolétariat des champs comme du bétail. Une œuvre bucolique<br />

et tragique qui a déjà touché beaucoup de monde : présenté<br />

à Cannes et récompensé dans les festivals de Namur et de<br />

Carthage notamment, le film a été choisi pour représenter<br />

la Tunisie aux prochains Oscars. ■ Jean-Marie Chazeau<br />

SOUS LES FIGUES (Tunisie-France),<br />

d’Erige Sehiri. Avec Ameni Fdhili, Samar Sifi,<br />

Leila Ohebi, Abdelhak Mrabti. En salles.<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>435</strong>-<strong>436</strong> – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023 9

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