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HENIA PRODUCTION/MANEKI FILMS<br />
Les actrices et acteurs, non professionnels,<br />
sont issus de la région de Kesra, dont ils parlent<br />
le dialecte, et où a eu lieu le tournage.<br />
retrouver entre elles l’emporte sur les questions amoureuses. Je<br />
ressens beaucoup cette sororité en Tunisie : d’une situation politico-économique<br />
compliquée ressort le partage. Sous les figues<br />
joue sur cette dualité dépendance-indépendance. La parole des<br />
filles y est plus libre que celle des hommes. Ces derniers peinent<br />
à s’exprimer, à rebours du cliché de l’homme arabe fort auquel<br />
la femme serait soumise.<br />
Ces jeunes filles témoignent de leurs désillusions<br />
amoureuses, d’une amertume. C’est ce que vous<br />
avez perçu en recueillant leur parole ?<br />
Oui, elles ne sont pas du tout animées par des rêves<br />
d’amour, de prince charmant. Même si je ne sais pas comment<br />
le prendre : est-ce bien ou non ? J’essaie de ne pas les juger, mais<br />
de retranscrire ce que j’ai ressenti de la réalité. Elles sont déjà<br />
très conscientes, amères parfois également. C’est triste, elles<br />
parlent de mariage et non d’amour, en disant : on se mariera, et<br />
on s’aimera plus tard. Ce ne sont pas des discours de leur âge,<br />
de leur génération ! C’est quelque chose de totalement nouveau<br />
et ancien à la fois. Tout comme leur manière ancestrale de cueillir<br />
les figues, comme si rien n’avait changé, alors qu’en même<br />
temps, elles s’expriment librement, de façon très moderne.<br />
« C’est triste, elles<br />
parlent de mariage<br />
et non d’amour,<br />
en disant : on se<br />
mariera, et on<br />
s’aimera plus tard. »<br />
Les personnages masculins font part<br />
de leur frustration, regrettent par exemple<br />
la pruderie des filles de cette région…<br />
Firas, notamment, est touchant dans l’expression de sa<br />
détresse amoureuse. J’ai beaucoup entendu ça chez les hommes<br />
arabes : tout le monde – ta sœur, ton père, ton frère… – décide<br />
pour toi de quel genre de relations tu dois avoir. On vit dans<br />
des sociétés où le collectif est encore très important, et parfois<br />
gênant. Et Firas n’a pas d’endroit où aller pour vivre sa relation<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>435</strong>-<strong>436</strong> – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023 85