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RÉCIT<br />

y parle toutes les langues – du yoruba au malinké, en passant<br />

par l’arabe, le swahili ou l’anglais –, on y porte des boubous, des<br />

costumes, des cols Mao et même des combinaisons blanches<br />

anti-Covid pour les voyageurs chinois. Dans le salon business,<br />

les privilégiés peuvent avoir un aperçu d’Addis-Abeba, grâce à<br />

une longue baie vitrée. Tout roule, tout vole, et pourtant nous<br />

sommes en Éthiopie, pays immense, encore pauvre, et instable,<br />

avec une guerre civile au Tigré. Mais également au cœur d’un<br />

véritable hub de niveau international, unique en Afrique. Un<br />

hub opérationnel qui se situe dans le fameux « fuseau géographique<br />

en or », à équidistance de l’est et de l’ouest de la planète,<br />

et tient son rang dans la concurrence avec Istanbul ou avec<br />

Dubaï, les autres pivots majeurs de ce centre du monde aérien.<br />

C’est le mystère et le paradoxe Ethiopian. Entièrement détenue<br />

par l’État, l’entreprise fonctionne de manière presque indépendante,<br />

évitant les turbulences avec efficacité, des années<br />

sanglantes de la dictature du Gouvernement militaire provisoire<br />

de l’Éthiopie socialiste (Derg, d’après sa dénomination en amharique)<br />

à la crise mondiale causée par le Covid-19. Passant de<br />

3,7 millions de passagers en 2011 à plus de 12 millions en 2019,<br />

elle a survécu au choc causé par la pandémie en 2020, en misant<br />

largement sur une activité cargo, devenue alors essentielle, et<br />

en transformant ses avions. La société a réussi à contenir la<br />

baisse de ses recettes (3,908 milliards de dollars en 2019, pour<br />

3,749 milliards en 2020), tout en se préparant à redémarrer. Elle<br />

est protégée de la concurrence par un bouclier de l’État : obtenir<br />

des droits d’atterrissage à Bole est particulièrement compliqué<br />

pour les transporteurs internationaux. En septembre dernier,<br />

Ethiopian a reçu le trophée de meilleure compagnie d’Afrique<br />

pour la cinquième année consécutive. Une récompense décernée<br />

par la principale agence de notation de l’industrie du transport<br />

aérien, Skytrax. Preuve de son excellence, elle est passée<br />

de la 37 e place du top 100 mondial en 2021 à la 26 e place. Seules<br />

cinq autres sociétés continentales apparaissent dans ce classement<br />

de référence : Royal Air Maroc, South African Airways,<br />

Kenya Airways, Air Mauritius et Egyptair. Pour maintenir cette<br />

performance, Ethiopian s’appuie sur une stratégie de développement<br />

africaine et panafricaine, l’efficacité du hub, la protection<br />

publique, la modernité de la flotte, ainsi que sur un effort sur<br />

le service à bord, même si les puristes pourraient critiquer un<br />

catering parfois un peu rude et aléatoire… Sans oublier une<br />

certaine longévité, une expérience. Fondée en décembre 1945,<br />

elle célébrera son 80 e anniversaire en 2025.<br />

RETOUR EN ARRIÈRE<br />

Le 8 avril 1946, un Douglas C-47 Skytrain décollait de l’aéroport<br />

de Lideta, à Addis-Abeba, pour se rendre au Caire, en<br />

passant par Asmara. Ethiopian Airlines effectuait alors son vol<br />

inaugural. Le tout premier pour une compagnie aérienne africaine.<br />

Sous l’impulsion de l’empereur Haïlé Sélassié, les discussions<br />

autour de sa création sont entamées dès 1942. À travers<br />

la mise en place d’un réseau aérien, il souhaite rapprocher son<br />

Tableau<br />

des départs<br />

à l’aéroport<br />

de Bole,<br />

une nuit de<br />

novembre 2022.<br />

Elle a survécu<br />

au choc causé<br />

par le Covid-19<br />

en 2020, en<br />

basculant une<br />

grande partie de<br />

l’activité sur le fret.<br />

pays des grands canaux de communication et sortir de l’isolement<br />

géographique qui freine la modernisation de l’Éthiopie.<br />

Les négociations démarrent entre le gouvernement et la société<br />

américaine Trans World Airlines (TWA). La création d’Ethiopian<br />

Air Lines (son nom jusqu’en 1965) est effective le 21 décembre<br />

1945. Un accord prévoit que la gestion de l’entreprise, entièrement<br />

détenue par le gouvernement, soit confiée à TWA. La<br />

quasi-totalité des équipes est, dans un premier temps, composée<br />

d’Américains, et les premières liaisons internationales desservent<br />

Le Caire, Aden, Djibouti, Khartoum et Asmara. En près<br />

de vingt ans, elle va développer de nombreux vols long-courriers<br />

vers l’Afrique de l’Ouest (Nigeria, Ghana et Liberia) et vers<br />

l’Europe (Espagne, Italie, Allemagne et Grèce). L’accord évolue<br />

ZYAD LIM<strong>AM</strong><br />

70 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>435</strong>-<strong>436</strong> – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023

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