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PERSPECTIVES<br />
Lagos, bouillonnante<br />
mais submersible<br />
À l’ère du changement climatique, l’agglomération la plus peuplée<br />
du continent, capitale économique et culturelle du Nigeria, doit relever<br />
de multiples défis afin de gérer sa croissance incontrôlée.<br />
Alors qu’elle ne comptait que 300000 habitants en 1950<br />
et 5 millions d’habitants en 1990, Lagos comptabilise<br />
aujourd’hui plus de 22 millions de résidents. Et reçoit chaque<br />
jour 3000 à 5000 nouveaux arrivants… En 2100, elle sera la<br />
ville la plus peuplée au monde, avec 88 millions d’individus !<br />
Et la mégapole ne sera « que » l’extrémité orientale de<br />
la tentaculaire conurbation d’un millier de kilomètres en train de s’étendre<br />
sur le littoral du golfe de Guinée : depuis la Côte d’Ivoire jusqu’au Nigeria,<br />
le chapelet de villes composé d’Abidjan et Bingerville, de Takoradi et Accra<br />
(Ghana), de Lomé (Togo), de Cotonou (Bénin) et de Lagos devrait,<br />
à cette époque, comporter 1 demi-milliard d’occupants ! Les infrastructures<br />
sont bien incapables de suivre le rythme endiablé de cette croissance<br />
exponentielle : Lagos subit d’interminables embouteillages (les go slows),<br />
une pollution dantesque, et croule sous les ordures (13 000 à 15 000 tonnes<br />
par jour, qui finissent souvent dans l’océan). Régulièrement, des immeubles<br />
érigés trop vite s’écroulent sur leurs occupants (45 personnes tuées à Ikoyi<br />
en novembre 2021). En construction depuis des années, le métro devrait voir<br />
sa première ligne enfin inaugurée au premier trimestre 2023. Les autorités<br />
encouragent en outre la collecte et le tri des déchets par des PME, et<br />
des bénévoles nettoient la plage de Lighthouse, frontalière avec le Bénin,<br />
de ses monceaux de plastiques. Mais le plus inquiétant reste à venir :<br />
sa viabilité est menacée par le réchauffement climatique. La ville – dont<br />
le nom signifie « lacs » en portugais – étant bâtie autour d’une lagune, au ras<br />
de l’eau, deux tiers des habitants vivent en zone inondable… La mangrove,<br />
qui jadis absorbait les flots, ayant laissé place au béton, la mégalopole<br />
se trouve désormais à la merci des assauts de l’Atlantique, dont le niveau<br />
monte inexorablement : la digue entourant le quartier d’affaires d’Eko<br />
Atlantic (dont la construction prend du retard) a rabattu les vagues<br />
sur les zones voisines moins aisées, et notamment Alpha Beach. ■<br />
être désigné candidat à la présidentielle.<br />
Il a rejoint le modeste Parti travailliste<br />
(quelques élus seulement) et entrepris<br />
de se présenter, faisant campagne sur les<br />
réseaux sociaux. Or, un sondage, réalisé<br />
en septembre par la société américaine<br />
Premise Data auprès d’un panel représentatif<br />
d’environ 4 000 Nigérians, lui<br />
accorde le score astronomique de 72 %<br />
des suffrages sur les 92 % des personnes<br />
interrogées qui ont arrêté leur choix !<br />
Pourquoi cet enthousiasme ? Challenger,<br />
il se démarque du bipartisme APC-PDP<br />
qui alterne au pouvoir. Catholique, il<br />
pourrait constituer une alternative aux<br />
deux principaux candidats, musulmans<br />
– et successeurs potentiels d’un président<br />
lui aussi musulman. Il est en outre igbo<br />
(troisième groupe ethnique du Nigeria<br />
avec 18 % de la population), caractéristique<br />
qui pourrait représenter un facteur<br />
conciliant dans ce pays fédéral en<br />
manque d’unité.<br />
Ancien gouverneur de l’État d’Anambra<br />
(sud-est), il s’était fait remarquer par<br />
une gestion rigoureuse, rémunérant les<br />
fonctionnaires en temps et en heure, et<br />
investissant massivement dans l’éducation.<br />
Il affiche en outre un style de vie<br />
aux antipodes de celui des élites, au<br />
luxe ostentatoire : diplômé en business<br />
mais également en philosophie, Obi se<br />
présente comme frugal. Et dans un pays<br />
où règne le népotisme, son fils cadet<br />
est un modeste instituteur. L’homme a<br />
bien compris que ces caractéristiques<br />
le démarquent de ses deux principaux<br />
adversaires, et ne se prive pas d’en jouer,<br />
appelant ses électeurs à « reprendre le<br />
pays » lors d’une élection qui, selon lui,<br />
« oppose le vieux et le neuf ». Il appelle<br />
« les 100 millions de Nigérians qui vivent<br />
dans la pauvreté et les 35 millions qui<br />
ignorent d’où viendra leur prochain<br />
repas » à voter pour lui.<br />
Sur les réseaux sociaux, ses supporters<br />
se sont baptisés « Obidients » (jeu de<br />
mots entre son nom et le terme anglais<br />
« obedience », signifiant « obéissance »).<br />
Beaucoup sont de jeunes vétérans du<br />
mouvement End SARS, avides de balayer<br />
l’APC et le PDP, rompus à l’usage des<br />
SHUTTERSTOCK<br />
56 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>435</strong>-<strong>436</strong> – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023