Kunstbulletin Dezember 2021

tanément transformé en un univers envoûtant. Cette œuvre intitulée ‹Space No. 1›,
1978, a été reconstituée à partir de photographies et de notes de l’artiste. D’entrée
de jeu, le public est ainsi placé dans un espace imaginaire, un espace transitoire
entre l’extérieur et l’intérieur, où le familier devient autre.
Les sculptures de Michel Ritter sont, dans ce même esprit, des combinaisons
d’objets manufacturés: une tête de chamois en plastique posée sur un bouteille de
gaz est surmontée d’un casque de séchage et entourée de dizaines de petits soldats,
‹Sans titre›, vers 1990, ou encore un avion de chasse en papier est posé au départ
d’une piste qui consiste en une partition pour orgue de barbarie déroulée, ‹Sans
titre›, 1993. On retrouve la modalité du collage comme productrice d’images également
dans plusieurs films diffusés à l’étage inférieur. Dans des films d’animation (sans
date) réalisés en stop-motion, jamais montrés auparavant, Michel Ritter compose et
recompose des natures mortes en mouvement avec des objets tirés de ses œuvres
et d’autres de son quotidien. Un film tourné en Super 8 et créé pour l’exposition ‹Furkapass
87› montre l’image de deux cheminées fumantes, dans laquelle s’intercale
celle d’une Vierge éclairée par des bougies, sur une bande-son de chant des baleines.
Enfin, dans un film qui faisait partie d’un environnement, ‹Sans titre›, 1981, on y voit
l’artiste s’activer et se déplacer entre deux portes adjacentes, comme dans une espèce
de saynète redevable aux performances et actions iconiques – on songe notamment
à Bruce Nauman.
Passé présent
L’exposition organisée à Fri Art relève plus d’une sélection d’œuvres que d’une
rétrospective, au sens où elle offre un aperçu d’une pratique modeste, empirique,
poétique, critique, sarcastique, brassant les tendances artistiques dont son auteur
fut témoin (en particulier le Pop Art, le nouveau réalisme et le courant conceptuel),
tout en couvrant la période d’activité de l’artiste. Elle invite à se réjouir d’une publication
à paraître en 2022. Au contact de ces œuvres et en se remémorant le parcours
de Michel Ritter, il est permis de penser que travailler comme artiste ou comme commissaire
d’exposition découlait dans son cas de la même réaction passionnée à l’art
de son époque. À l’occasion des 10 ans de Fri Art, en 2000, il avait proposé plusieurs
‹États des lieux›, chacun confié à des commissaires d’exposition invité·e·s. À son habitude,
il s’intéressait au temps présent. Cette fois-ci, c’est une approche historique
que Nicolas Brulhart, directeur du centre depuis 2019, a proposée. Le programme,
décliné en projets et événements de différents formats au fil du second semestre
2021, avait pour objectif de rattacher le présent au passé. Il s’achève en révélant un
œuvre nullement anachronique.
Laurence Schmidlin est conservatrice au Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne.
laurence.schmidlin@gmail.com
→ ‹Michel Ritter – Air Power = Peace Power›, jusqu’au 9.1., Kunsthalle Fri Art Fribourg ; Exposition en
parallèle : ‹Ceylan Öztrük – Matter of non› (→ voir p. 69) ↗ www.fri-art.ch
FOKUS // MICHEL RITTER
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