Patrimoine architectural : méthodes d'inventaire ... - Council of Europe

nombreux cas, d'une absence de "dialogue" entre la connaissance historique et la
compréhension des vestiges du passé. Toute ville ancienne est aussi bien le produit de
l'histoire que des matériaux de construction traditionnels; le caractère unique de chaque
ville ou village peut difficilement être saisi si l'on n'appréhende que la moitié des
données utiles. Le contexte historique permettant de prendre conscience du cachet d'un
lieu échappe trop souvent aux planificateurs comme aux citoyens "ordinaires".
L'architecte est normalement sensible à l'effet visuel des édifices. Le planificateur est
habile à analyser les effets des structures sociales, de la demande de transport et de
l'emplacement des logements et lieux de travail. Quant à l'historien des cités, il s'est
toujours efforcé d'analyser dans le détail l'évolution de nombreuses villes et
communautés. Mais quand voit-on l'architecte, l'urbaniste et l'historien se réunir pour
échanger leurs connaissances et leurs expériences? Combien d'experts sont prêts à
consulter des spécialistes d'une discipline apparemment aussi peu concrète que
l'Histoire?
Pour ces enquêtes sur les secteurs industriels, la Commission s'est donc intéressée
à l'interaction entre l'histoire et la planification. La planification porte essentiellement
sur des relations, et l'histoire visuelle d'un secteur donné s'exprime dans les relations
entre les édifices - qu'il s'agisse du temps, de la fonction, de l'espace et de l'échelle.
En l'absence de connaissance historique, nul ne peut saisir ces relations, où qu'elles se
situent - excepté l'ordre esthétique et les rapports fonctionnels qui sont ceux de 1992.
Même s'il ne faut jamais sous-estimer l'importance de la réaction esthétique face à un
édifice, des connaissances historiques objectives doivent absolument étayer tout
jugement - sous peine de le faire apparaître comme dangereusement subjectif. De même,
lorsqu'on veut faire des projections dans l'avenir, on doit toujours savoir comment les
choses ont évolué par le passé.
Toutefois, la Commission estime que ce n'est pas à l'organe de recensement qu'il
est de dire ce qui devrait être ou ne pas être; la mission de ceux qui inventorient les
édifices est plutôt de fournir une analyse que d'autres puissent utiliser. Ce n'est pas aux
personnes qui s'occupent de l'histoire de l'environnement bâti qu'il revient de dire si
des aménagements récents faisant fi de l'atmosphère historique d'un lieu sont bons ou
mauvais: le changement est en effet l'essence même de l'histoire. Mais on est en droit
de souligner que la connaissance du passé de tel ou tel secteur permet de mieux saisir
la vie qui l'anime - ou, tout au moins, favorise son appréhension "sentimentale". Le
sentiment est loin d'être inutile: c'est lui qui fait que les gens s'attachent à leur
environnement, et prennent au sérieux les décisions qui le concernent. Depuis des
années, les responsables du recensement des édifices fournissent, à propos de chacun
d'eux, des informations détaillées à ceux qui se préoccupent de leur sauvegarde. Les
enquêtes menées par la Commission Royale ont servi à montrer, quant à elles, que
l'analyse historique de secteurs entiers pouvait nourrir le débat sur les modes de gestion
de ces secteurs. Cependant, pour en arriver là, la Commission s'est vue dans l'obligation
d'aller au-delà du recueil de données de base. La question reste donc posée: peut-on
réduire l'inventaire d'un paysage historique complexe à un ensemble de données
minimales si l'on veut faire œuvre utile?
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