Exode (des Kurdes d'Irak) - Institut kurde de Paris

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ULUDERE
(à la frontière
tureo-irakienne) :
de notre envoyé spécial
François LUIZET
Mohamed n'avait pas un'
an, Il est mort avant l'aube:
'dans les bras de so maman"
: Depuis, assise à l'endroit où il:
.0 été inhumé, elle pleure. Elle'
pose son visage sur le tumulus
'cerné de pelits cailloux blancs
et, d'un geste maternel,.'passe
délicatement la main sur la.
terre humide pour la caresser,
.comme elle touchait, il y a
,seulement quelques jours, le
;corps de son bébé. Assis à
!proximité, son mari regarde la
;vallée, Hébété, il ne tait que
bégayer : " C'était no/re premier
enfant. "
Suis-je voyeur ou terno.!n?
J.ai mal au cœur et mauvaise
conscience. Il est 13 heures en
.France, l'heure du déjeuner
dominical et familial: 7 heures
du matin à New York, le temps
de la dernière ligne de coke à
200 dollars; 22 heures à Tokyo,
ie moment où les geishas
af','tent leur vocabulaire mondd"
i.t leurs réponses au Tri,.
~Ial l' ;!'suit. Ici, au bout du.
,rr:n".";; .. il est 10 heures du'
m"l,,'. 'Jt, devant moi, lulle
pour sa survie, depuis deux
semaines déjà, un peuple:
squelettique, impuissant et af- .
famé'. Chagrin et honte devant'
le spectacle ainsi offert d'une
humanité en détresse.
Uludere, avec ses dizaines
de milli(~I's de réfugiés kurdes, .
est aujourd'hui le symbole de
toutes les lâchetés, 'de toutes
les démissions du monde. Ima- .
. ginei.' sUr dés penles ä-i'iêlës.
,cerné p,u des som;n.ets ennei-
:.gès, un troupeau humain rassefTIblépour
un film à grand
spectacle. Imaginez, ce dimanche
14 avril 1991, le Moyen
Age quelque part dans une
vallée perdue entre l'Irak et la .
Turquie. Mais le metteur en
. scéne se fait attendre.
Il n'y a pas encore le mot
" action ", .lIbérateur pour ces
va-nu pieds. recroquevillés et
désespérés .. Montagnes déchiquetées.a
l'.t)mporte-piéce,
sentiers boueux oû l'on enfonce
jusqu'aux genoux, Ule-:
dere est un cloaque oû grouil-
. lent femmes, vieillards, enfants
et même des animaux dans un .
'ultime combat pour slôvivr",.
. Pendanltrois jours, j'ai noté
presque heure par heure ce
que j'ai vu : la mort d'Ufl enfant,
la folie hYSlt!rique d'un
ancien ingénieur, la bnltallté;'
sadique de certains militaires
turcs, le sourire émerveillé.
d'une petite tllIe aux yeux verts
devant urie boile de lait. Toutes
ces scènes qui constiiuent une
chronique d'un autre âge.
Dans un ciel. grisâtre, des
avions de chasse turcs surveillent
le parachutage de vivres
par des Transall britanniques.
Un flot humain
Il a tallu manter pendant
deux. heures et demie à pied
pour découvrir à un tournant le
fantastique. spectacle: le décor
est apre.et rugueux. Deux mille
mètres d'altitude, Il fait troid.
Soudain, on prend la tragédie
en plèinefigure : des dizaines
de milliers de gens descendent
en courant sur le chemin défoncé.
Il s'agit d'atteindre le
plùs v~t~~P9~~ibI,Elles çamions
PRENSA~BASINÖZETÎ
cha r~ès ~'dé-'ràvilâill.éiiïè;:iï 'q LiI
. ont réussi à monte'rjullque-Ià.
Le flot humain empOrte'tout sur
son passage. Il y. a .iUssl, •
côté des tentes de ravltaille-'
ment, des dépôts de. vêtements,
Ruée sur les baluchons,
.Ces nouveaux chiffonniers .
touillent les monceaux dè har.'
des comme le tant au Caire ou:"
à Calcutta les 'protégés dl
Bœur Teresa,
'.
Les bérets verts de l'arm'"
turque sont débordés. Ils ta::
penl à coups de ~êton sur 1111 !
temmes et les enfanls qui roue i
lent dans la boue, Puis Ils ti'rlnll
en l'air, Longues ratales de:
tusils G 3, Un sous-officier
prend son temps, Il s'applique, :
Il tire ju.ste à côté. du mal heu- .
reux qui descend en courant,
Une temme s'accroche à mon
bras. Elle me tait comprendre
qU'elle a taim, en mettant ses
cinq dQlgts réuflis aur sea .Iè.
vres, Langage Intern~tional de
. tous les affamés. Coitfée d'un
. fichu. multii;olore,ùne àutre
!l3mme ni'agrippe : " Doktor!
Oak/or! " Sur son bras droit,
un paquet de chiffons. Ce sont
les langés de son bébé, Il est
minuscule et respire difficilement.
" Doktor! Dok/or! ", implore
la femme. C'est à pleurer.
Un soldat barre la route à
une femme, elle lui tend son
bébé dans un geste de colére, :
puis elle implore. Apitoyé, le:
soldat la regarde, il détourne.
son visage et la laisse passer.
De toute maniére, les soldats
sont impuissants, Un camion.
de pain est pris d'assaut. Les.
plus débrouillards se faufilent.
Des soldats turcs vociférent et'
touettent même les visage~(
des femmes à coups de badine,
On patauge dam; la boue.
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; Lcs 'camps de réfugiés ressemblent à di!~êloaq~cilit.(ju~u,,'ôù gr?~iII.e!l. femmes, vieillards, enfants et même des animaux dans UII u!limc .
.. .' combatp~ur sl.lrvlv:re~(~hoto Hollan~er/Reuten' .