19.11.2015 Views

Sud-Sud

228412F

228412F

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

En comparant le traitement du corps chez les bhikkhus (moines) et chez les bhikkhunis (moniales) dans le<br />

Theragatha et le Therigatha, respectivement, Kathryn R. Blackstone signale que, bien souvent, les premiers<br />

projettent l’image du corps sale et déliquescent sur le corps féminin, tandis que les secondes s’approprient<br />

cette image négative du corps 111 . Les réflexions sur le caractère transitoire et l’impureté du corps semblent<br />

s’appliquer à égalité aux moines et aux moniales. La seule différence réelle entre les sexes, dans ce domaine,<br />

est que les moines sont souvent présentés avec une vision du corps féminin comme étant dangereusement<br />

désirable — ce qui est à mettre sur le compte de la misogynie, hélas présente dans un certain type de littérature<br />

bouddhiste. Il n’y est en revanche jamais dit que les nonnes aient réfléchi, du moins de façon explicite, à la<br />

séduction correspondante des hommes 112 . Il serait tentant d’en donner une explication patriarcale. On pourrait<br />

dire que pour les femmes, la lutte pour la libération se situe au sein de leur sexualité qui est leur propre corps.<br />

Dans le Therigatha, une bhikkhuni se décrit autrefois comme ayant été littéralement « ivre » de son apparence,<br />

de ses formes, de ses servantes, de sa richesse et de sa jeunesse. Elle reconnaît avoir ressenti du mépris pour<br />

les autres femmes (moins belles, moins dotées ?), et se décrit comme une courtisane, postée, tel un chasseur<br />

guettant sa proie, au seuil d’une maison close 113 . Puis elle juxtapose à cette image de la séductrice jeune et<br />

provocante celle de la moniale en habit jaune, au crâne rasé, assise en méditation sous un arbre, débarrassée<br />

des contraintes 114 . Ces images contrastées de la chasseresse à l’affût et de la nonne libérée sont le symbole<br />

d’une transformation de la vision du moi — puisqu’il s’agit du même corps féminin sous les deux facettes —<br />

qui, d’objet du désir, se mue en sujet doué de conscience, libre de toute angoisse.<br />

Questions<br />

1 Trouvez-vous condamnables les avances du mauvais garçon ? Pourquoi ?<br />

2 Pensez-vous que cette forme de sagesse remet en cause le concept de beauté ? Pourquoi ?<br />

Activités pédagogiques<br />

1 Chercher des photos d’une reine de beauté ou d’une star du cinéma dans sa prime jeunesse, puis juxtaposer à<br />

ces photos celles de personnes vieillissantes. Débattre du caractère changeant du corps humain.<br />

2 Constituer des groupes de quatre ou cinq pour débattre sur la question suivante : avez-vous éprouvé de la<br />

sympathie pour la nonne et/ou pour le mauvais garçon et, si oui, à quel moment du récit et pourquoi ?<br />

Débattre pendant une demi-heure, puis désigner un représentant de chaque groupe pour rendre compte<br />

des points de vue et des sentiments de ses camarades au reste de la classe. Pour finir, lancer le débat sur les<br />

réponses apportées par chacun sur les plans tant intellectuel qu’émotionnel.<br />

111<br />

On trouvera une comparaison intéressante des deux textes concernant la description du corps humain dans Kathryn R. Blackstone, Women in<br />

the Footsteps of the Buddha : Struggle for Liberation in the Therigatha. Surrey (Angleterre) : Curzon Press, 1998, chapitre III, pp. 59-81.<br />

112<br />

Steven Collins, Selfless Persons : Imagery and Thought in Theravada Buddhism, Cambridge : Cambridge University Press, 1982, p. 191; on<br />

trouvera à la note 10 d’autres références et commentaires de Collins.<br />

113<br />

Stances des Theri, op. cit., p. 41 (verset 73).<br />

114<br />

Ibid, p. 42 (versets 75-76).<br />

Asie-Pacifique<br />

145

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!