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Sud-Sud

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Commentaire<br />

Comme le montrent les extraits de La dignité de la terre, la pensée environnementale s’inscrit pour Leonardo<br />

Boff dans une écophilosophie de la libération dont l’objectif est double. Tout d’abord, un mouvement<br />

déconstructif, visant à se libérer du mythe du développement illimité où la société doit s’organiser autour de la<br />

croissance économique. Ce mythe porte en lui l’oppression de la majorité des êtres humains et l’extermination<br />

de la plupart des créatures qui partagent notre planète. Il implique également une diminution de la qualité<br />

de vie, car il réduit l’existence humaine à une unidimensionnalité économiciste. S’affranchir de ce mythe<br />

fait naître un mouvement de reconstruction qui nous rend libres de renouer avec la diversité de l’existence<br />

humaine et écologique et de retrouver le sens premier de l’économie. Boff souligne que l’économie n’est pas<br />

l’accumulation illimitée du capital, mais la gestion avisée de biens comptés. Ce sens est proche de l’origine des<br />

sciences écologiques modernes, appelées métaphoriquement « économie de la nature » par Carl von Linné au<br />

XVII e siècle. Plus encore, économie et écologie sont deux termes formés à partir du mot grec oikos, qui signifie<br />

foyer. Le premier se réfère aux lois (nomos) qui régissent l’administration de l’oikos ou foyer, et l’autre à l’étude<br />

(logia) de ce foyer. Au XXI e siècle, notre foyer commun est notre planète, dont la sage gestion exige selon Boss<br />

de combiner économie et écologie.<br />

Boff ne se limite pas à des théories abstraites qui articuleraient économie et écologie d’un point de vue<br />

purement conceptuel, mais privilégie la pratique de la solidarité, de la résistance et de la défense des pauvres<br />

et des laissés pour compte. Il se réfère par exemple à Francisco Alves, dit Chico Mendes, qui avait lancé et<br />

mis en application le principe de réserves d’extraction pour protéger la forêt amazonienne et défendre les<br />

droits des communautés caoutchoutières pratiquant une exploitation durable. Sous la conduite de Mendes,<br />

les ouvriers du caoutchouc d’Amazonie s’organisèrent et fondèrent l’Union des travailleurs ruraux de Xapuri<br />

pour lutter contre la déforestation causée par les « projets pharaoniques ». La conséquence la plus indigne<br />

de ce mouvement fut l’assassinat de Mendes en 1998. En 2007, alors que Boff exerçait les fonctions de<br />

conseiller du Gouvernement brésilien présidé par Luiz Inácio Lula da Silva, le Ministère de l’environnement<br />

brésilien créa l’Institut Chico Mendes pour la conservation de la biodiversité, qui administre aujourd’hui les<br />

zones protégées par le gouvernement fédéral, en reconnaissance de la valeur de sa vie et de son projet. Boff<br />

a apporté son soutien à de nombreux mouvements d’initiative locale qui se sont associés avec des paroisses,<br />

des associations professionnelles et des organisations internationales pour réclamer une distribution plus juste<br />

des biens fonciers et des pratiques économiques et écologiques durables, comme notamment le Movimiento<br />

de los trabajadores rurales sin tierra (Mouvement des travailleurs ruraux sans terre – MST) dans le sud du Brésil<br />

ou Patagonia sin represas (Patagonie sans barrages) dans le sud du Chili.<br />

Bien que les exemples aient été choisis dans l’espace latino-américain, du fait que le modèle de développement<br />

initial s’est mondialisé, des cas similaires peuvent être observés dans d’autres régions du globe. Dans ce contexte,<br />

l’écophilosophie de la libération de Boff joue un rôle important dans la pensée philosophique mondiale du<br />

XXI e siècle pour deux raisons. La première est qu’elle rétablit l’unité des connaissances théoriques et pratiques<br />

pour aborder la globalité d’un point de vue philosophique, à partir et en direction de la réalité et de l’histoire<br />

Manuel de philosophie : une perspective <strong>Sud</strong>-<strong>Sud</strong><br />

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