Sud-Sud
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Texte Popol Vuh 125<br />
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Lorsqu’il fut décidé de créer l’homme, on chercha de quoi devait être faite sa chair. Les Géniteurs,<br />
le Créateur et le Formateur appelés Tepeu et Gucumatz dirent alors : “Le temps est venu de commencer<br />
et achever notre œuvre et de faire naître ceux qui devront nous vénérer et nous nourrir, les fils éclairés, les<br />
vassaux civilisés ; que l’homme et l’humanité apparaissent sur la surface de la terre”. Ainsi parlèrent-ils.[…] De<br />
Paxil et de Cayalá vinrent les épis de maïs jaunes et les épis de maïs blancs […]. C’est ainsi qu’ils trouvèrent la<br />
nourriture, et la chair de l’homme créé, de l’homme façonné, fut faite de maïs. Celui-ci fut son sang, de cette<br />
nourriture fut fait le sang de l’homme. [...] De maïs jaune, de maïs blanc fut faite sa chair [...]. Et comme ils<br />
avaient l’apparence d’hommes, ils furent des hommes ; ils parlèrent, ils conversèrent, ils virent et ils entendirent,<br />
ils marchèrent, ils saisirent les choses ; ces hommes étaient bons et beaux et leurs visages étaient virils [...].<br />
Ils furent doués d’intelligence ; ils virent et aussitôt leur vision s’étendit, ils purent voir, ils purent connaître tout<br />
ce que le monde offrait.[...] Leur sagesse était grande ; leur vue embrassait les forêts, les rochers, les lacs,<br />
les mers, les montagnes et les vallées. C’était en vérité des hommes admirables. Le Créateur et le Formateur<br />
leur demandèrent alors : “Que pensez-vous de votre état ? Ne voyez-vous pas ? N’entendez-vous pas ?<br />
Votre langage et votre façon de marcher ne sont-ils pas bons ? Voyez, alors ! Contemplez le monde !” leur<br />
dirent-ils.<br />
Aussitôt, ils virent tout ce que le monde leur offrait. Ils remercièrent ensuite le Créateur et le Formateur : “En<br />
vérité nous vous rendons grâce deux et trois fois de nous avoir créés, nous avons reçu une bouche, un<br />
visage, nous parlons, nous entendons, nous pensons et nous marchons ; nous percevons parfaitement et<br />
nous connaissons ce qui est loin et ce qui est proche. Nous voyons aussi ce qui est grand et ce qui est petit<br />
dans le ciel et sur la terre. Nous vous remercions de nous avoir créés, ô Créateur et Formateur, de nous avoir<br />
donné l’être [...]” dirent-ils en rendant grâce [...]. Mais le Créateur et le Formateur n’entendirent pas ces mots<br />
avec plaisir… “Ce que disent nos créatures, nos œuvres, n’est pas bon ; ils savent tout, ce qui est grand<br />
comme ce qui est petit” dirent-ils. Les Géniteurs tinrent alors conseil une nouvelle fois : “Qu’allons-nous faire<br />
d’eux ? Que leur vue n’atteigne que ce qui est proche, qu’ils ne voient qu’une partie de la face de la terre !<br />
Ce qu’ils disent n’est pas bon. Ne sont-ils pas par nature de simples créatures, façonnées par nous ? Faut-il<br />
qu’ils soient aussi des dieux ? Et s’ils ne voulaient pas procréer et se multiplier lorsque le jour naîtra, lorsque<br />
le soleil apparaîtra ? Et s’ils ne se reproduisent pas ?dirent-ils. Réfrénons un peu leurs désirs, car ce que nous<br />
voyons n’est pas bon. Devraient-ils par hasard être nos égaux, nous, leurs créateurs, qui pouvons embrasser<br />
de grandes distances, qui savons et voyons tout ? [...]” Ainsi parlèrent-ils et ils changèrent aussitôt la nature<br />
de leurs œuvres, de leurs créatures.<br />
Alors le Cœur du Ciel jeta un voile sur leurs yeux qui s’embuèrent tel un miroir sur lequel on souffle. Leurs yeux<br />
se voilèrent et ils ne purent voir que ce qui se trouvait à proximité ; cela seul ils le voyaient distinctement [...].<br />
La sagesse et toutes les connaissances des quatre hommes furent alors détruites [...] C’est ainsi que<br />
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furent<br />
créés et façonnés nos aïeuls, nos pères, par le Cœur du Ciel et le Cœur de la Terre. Alors vinrent les femmes<br />
et elles furent leurs épouses [...].<br />
Manuel de philosophie : une perspective <strong>Sud</strong>-<strong>Sud</strong><br />
Adrián Recinos, Popol Vuh : Las Antiguas Historias Del Quiché,<br />
Guatemala : Editoral Piedra Santa, 2007.<br />
Traduction de l’extrait en français par l’UNESCO.<br />
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Popol Vuh signifiant littéralement « livre de la natte » a été diversement traduit, notamment par le Livre de la communauté ou le Livre du temps.<br />
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