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Sud-Sud

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V<br />

ENVIRONNEMENT ET NATURE<br />

INTRODUCTION<br />

Quatre textes majeurs illustrent la conception africaine de la nature, de l’environnement et de l’écologie. Bien<br />

qu’appartenant à des aires géographiques et à des périodes historiques très différentes, tous ces textes<br />

affichent une certaine unité thématique et invitent à poser un regard neuf sur l’éthique écologique de l’Afrique<br />

ancienne, traditionnelle et moderne.<br />

En étroite relation avec la religion agraire, les textes 1 et 2 proposés instruisent sur la galerie des génies<br />

zoomorphes et phytomorphes qui peuplent le panthéon africain. Ces génies coexistent avec les forces<br />

cosmiques qui fécondent la nature : le ciel, la terre, les étoiles, le soleil, la lune, la pluie, etc. Le panthéon<br />

africain traduit les préoccupations de la paysannerie. Les rites agraires ont pour fonction de rythmer les<br />

saisons de semailles et de la récolte. Des rites similaires régulent le temps de la pêche et celui de la chasse.<br />

Des décrets de prohibition délimitant rigoureusement les périmètres de chasse et de pêche concluent ces<br />

rites. Ces prohibitions éclairent de larges pans de la zoolâtrie (culte de l’animal) et de la dendrolâtrie (culte<br />

de l’arbre). Tel est l’intérêt philosophique des textes de Léopold Sédar Senghor et du philosophe éthiopien,<br />

Workineh Kelbessa.<br />

Manuel de philosophie : une perspective <strong>Sud</strong>-<strong>Sud</strong><br />

La question du totémisme est importante. Avec lui, l’animal et la plante surgissent comme des membres<br />

éminents d’une famille qui embrasse même les éléments les plus intimes du cosmos. Se pose ici la question<br />

philosophique fondamentale de l’unité de l’homme et de la nature : il est interdit d’isoler l’homme de la nature.<br />

En même temps, la liberté de l’homme est sévèrement sa liberté dans son commerce avec la flore et la faune.<br />

L’écoumène comme « demeure (oikos) de l’être de l’humain » 33 montre l’actualité philosophique de cette<br />

question fondamentale. Il signifie « l’appropriété du lieu à un certain être » ou encore l’ajustement ontologique<br />

de l’être à son milieu. C’est là l’intérêt du texte 3 qui renvoie à l’univers romantique du jardin public où l’être<br />

humain et la nature fusionnent. Ce texte appartient au genre poétique qui fut populaire en Égypte à partir de<br />

l’an 1500 av. J.-C. Durant cette période de prospérité et d’optimisme, l’homme communie avec les plantes.<br />

Celles-ci accueillent des amours soit débutants, soit en floraison, et s’affirment elles-mêmes comme des<br />

« êtres » doués de sensibilité et de passions. Ce sont ces « êtres » qui remplissent la femme de l’énergie qu’elle<br />

puise en abondance dans la nature.<br />

Or ici, le désaccord avec la cosmogonie des Iks (texte 4) est saisissant. Le vide symbolique observé dans<br />

ce texte tranche avec l’univers plein de poésie et de références sacrées, caractéristique des textes 1, 2 et 3.<br />

Reconstituée dans les années 60-70 par l’anthropologue américain Colin Macmillan Turnbull, la cosmogonie<br />

des Iks raconte la déréliction de l’homme dans un environnement minéralisé, sans vie. La légende situe le<br />

berceau originel de ce résidu de peuple du Nord-Est de l’Ouganda dans la Vallée du Nil, d’où il aurait été<br />

chassé, suite à l’effondrement de l’Empire égyptien. L’aménagement, vers le milieu du XX e siècle, du Parc<br />

national de Kidepo, déstabilisa profondément l’habitat qui, depuis des millénaires, avait façonné le corps<br />

33<br />

Augustin Berque, Écoumène. Introduction à l’étude des milieux humains, Paris : Belin, 1987, p. 17.<br />

50

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