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Sud-Sud

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TEXTE DE L’ÂME, AVICENNE<br />

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Imaginons qu’un homme soit créé subitement et qu’il soit créé adulte, mais que ses yeux soient voilés<br />

et qu’il ne puisse rien voir du monde extérieur. Imaginons qu’il soit créé de telle façon qu’il se déplace dans l’air<br />

— ou plutôt dans le vide, pour qu’il ne puisse percevoir la résistance de l’air qui l’affecterait. Enfin, imaginons<br />

que ses membres soient disjoints au point qu’ils ne puissent ni se rencontrer ni se toucher. Supposons<br />

maintenant que cet homme se demande s’il peut affirmer l’existence de son essence individuelle : il ne fait<br />

aucun doute qu’il va affirmer qu’il existe, et pourtant, il n’affirmera pas l’existence de ses membres extérieurs,<br />

ni celles de ses organes internes, ni celle de son cerveau et des esprits vitaux qu’il contient, ni celle d’aucune<br />

réalité qui lui soit étrangère. Non, ce qu’il affirmera, c’est qu’il est, lui, et d’une existence dont on ne pourra<br />

affirmer ni longueur, ni largeur, ni profondeur.<br />

Supposons même qu’à ce moment, il lui soit possible d’imaginer une main ou un membre quelconque, il ne<br />

se figurera pas pour autant que ce sont des parties de lui-même ou des choses qui sont nécessaires à son<br />

essence. Or, ce que l’on affirme et ce que l’on n’affirme pas ne sauraient être identiques et ce dont on est<br />

certain ne peut être identique à ce dont on n’est pas certain. Donc — dès lors que l’essence dont il affirme<br />

l’existence lui est propre, puisque c’est elle qui est lui-même, et qu’elle est indépendante de ce corps et de<br />

ces membres dont il n’affirme pas l’existence — s’il fait abstraction de ce qui n’est pas lui, notre homme<br />

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saura<br />

voir de lui-même que l’être de l’âme n’est pas la même chose que l’être du corps. Bien mieux, il saura qu’il n’a<br />

pas besoin d’un corps pour percevoir son âme et savoir qu’elle existe.<br />

Manuel de philosophie : une perspective <strong>Sud</strong>-<strong>Sud</strong><br />

Bernard Morichère (dir.), « Avicenne, De l’âme, I, 1 », in Philosophes et philosophie, des origines à Leibniz,<br />

Paris : © Nathan, 1992, tome 1, pp. 212-213.<br />

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