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Sud-Sud

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il apparaît comme une nature bipolaire dont l’une des facettes connue et précise englobe l’ensemble de<br />

la création existant dans le présent (passé-présent), et l’autre reste inconnue, incompréhensible et suggère<br />

l’étendue de ses pouvoirs et son potentiel de réalisation (dans le futur). Son œuvre première offre des possibilités<br />

de perfectionnement et, de par sa capacité de corriger et améliorer sa création, il atteint alors un caractère<br />

essentiel, plus important que la notion de « pouvoir et souveraineté sur tout ce qui existe », en se faisant<br />

principe ontologique.<br />

2. Pacha (le monde). La version mythique apporte des précisions concernant l’organisation du monde par<br />

Pacha Yachachi ou Tecsi Viracocha et ses deux fils : Tocapo Viracoha – le concepteur, celui en qui toutes<br />

choses sont rassemblées – et Ymai mama Viracocha – celui qui détient le pouvoir et la souveraineté sur toutes<br />

choses.<br />

Les passages du mythe, indépendamment de la recherche du trône majestueux de Wiracocha, évoquent par<br />

ailleurs toute une organisation cognitive du monde des animaux et des végétaux, ainsi que de l’environnement<br />

géographique dans lequel ils vivent.<br />

La cosmologie inca divise l’espace universel en quatre mondes : le monde supérieur (Hanan Pacha), le monde<br />

plat inférieur (Hurin Pacha), le monde céleste (Hinan Pacha) et le monde invisible (Ucu Pacha) des entrailles de<br />

la terre (Ticci muyup chaupi ucum, le centre intérieur de la terre).<br />

Deux lignes passent par le centre – ou nombril – du Hurin Pacha, l’une horizontale et l’autre verticale, et<br />

délimitent les quatre grands quartiers de la terre : la division en quatre suyos – Tahuantinsuyo – signifie que<br />

celle-ci se déploie vers ces quatre secteurs dont Cuzco est le centre.<br />

Le savoir des Incas reposait sur une connaissance expérimentale, empirique. À ce propos, il convient de<br />

souligner que, selon toute apparence, le niveau de connaissance du Tahuantinsuyo était tel qu’il dépassait les<br />

possibilités de la transmission orale. Les chroniques regorgent en effet de références aux sages – amautas<br />

–, qui transmettaient leurs récits aux Espagnols par le biais des quipus, véritable méthode mnémotechnique.<br />

Il s’agissait d’un système permettant le stockage et la transmission du savoir, des connaissances et des<br />

expériences acquises qui fut supplanté par l’écriture en raison de sa complexité. Felipe Guamán Poma de<br />

Ayala, grâce aux quipus, consigne que quatre générations se succédèrent : Pacarimoc Runa, le peuple de<br />

l’aube, de la venue, de la naissance ; Variruna, le peuple primitif qui commença à travailler la terre ; Purunruna,<br />

le peuple paysan nomade, et Aucaruna, le peuple guerrier de ce pays qui fut le premier à s’installer dans les<br />

hautes terres où il construisit des forteresses sur des monts et des rochers inaccessibles pour pouvoir se<br />

défendre. D’après Guamán Poma de Ayala, ces périodes s’étalèrent sur environ 5 300 ans et s’achèvent par<br />

la conquête des territoires par les Incas.<br />

3. Runa (l’homme). Dans la culture inca, les grandes questions relatives à l’homme – runa – ont trait à sa double<br />

création, la première dans l’obscurité, œuvre que la « divinité » elle-même considère imparfaite et élimine<br />

complètement pour créer ensuite un autre genre d’homme « dans la lumière ». Le fait que l’être suprême<br />

corrige sa création va marquer et illustrer un concept essentiel : l’homme doit « être capable de perfectionner<br />

tout ce qu’il fait ». Ce principe fondamental concernant l’être humain l’invite à emprunter une voie ascendante,<br />

celle du raisonnement, condition indispensable pour communiquer avec Wiracocha, car il faut pour ce faire<br />

« pouvoir voir », « pouvoir savoir », « savoir signaler » et « savoir réfléchir », ce qui, à l’évidence, signifie que la<br />

réalisation la plus aboutie de l’homme passe par la pensée ou la réflexion. Les règles régissant la conduite,<br />

ou code moral, se traduisaient par des formes particulières de condamnation de l’ébriété, de l’homicide, du<br />

vol, de l’oisiveté, l’adultère, les relations sexuelles forcées et contre nature, etc., preuve qu’une législation<br />

extrêmement rigoureuse contrôlait le comportement humain.<br />

Cette conception de l’homme, ainsi que les différentes explications que nous avons développées sur<br />

Wiracocha et la vision de l’univers et du monde, montrent qu’il existait au Tahuantinsuyo une structure de<br />

pensée cohérente, à laquelle menaient l’expérience, la connaissance et la réflexion.<br />

AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES<br />

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