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Texte Lettre aux Espagnols-Américains,<br />

Juan Pablo Viscardo y Guzmán<br />

,,<br />

[…] Que dirait l’Espagne et son gouvernement si nous insistions sérieusement pour l’application de<br />

ce beau système ? Et pourquoi nous insulter si cruellement en parlant d’union et d’égalité ? Oui, égalité et<br />

union comme celle des animaux de la fable ; l’Espagne s’est taillé la part du lion. N’est-ce qu’après trois<br />

siècles que la possession du Nouveau Monde, notre patrie, nous est due et que nous pouvons voir évoqué<br />

l’espoir de devenir les égaux des Espagnols d’Europe ? Et comment, et pourquoi aurions-nous été déchus<br />

de cette égalité ? Hélas, c’est par notre aveugle, notre lâche soumission à tous les outrages infligés par le<br />

gouvernement, que nous avons mérité que celui-ci ait conçu de nous une idée si méprisable et si infamante.<br />

Chers frères etcompatriotes, si parmi vous il n’est personne qui ne connaisse et ne sente ses torts plus vivement<br />

que je ne saurais l’exprimer, l’ardeur qui se manifeste dans votre âme, les grands exemples de vos ancêtres<br />

et votre bouillant courage vous dictent la résolution qui convient seule à l’honneur dont vous avez hérité, que<br />

vous chérissez et dont vous êtes fiers. Cette résolution, le gouvernement espagnol vous l’a indiquée lui-même,<br />

en vous considérant toujours comme un peuple distinct des Espagnols européens, et cette distinction vous<br />

impose le plus ignominieux esclavage. Consentons de notre côté à être un peuple différent ; renonçons au<br />

ridicule système d’union et d’égalité avec nos maîtres et nos tyrans ; renonçons à un gouvernement dont<br />

l’éloignement si énorme ne peut nous procurer, même en partie, les avantages que tout homme doit attendre<br />

de la société à laquelle il est attaché ; à ce gouvernement qui, loin de s’acquitter de son devoir impérieux de<br />

protéger la liberté et la sûreté de nos personnes et de nos biens, a mis le plus grand empressement à les<br />

détruire, et qui, au lieu de s’efforcer de nous rendre heureux, accumule encore sur nos têtes toutes sortes de<br />

calamités. S’il est vrai que les droits et les devoirs du gouvernement sont réciproques, l’Espagne a transgressé<br />

,,<br />

la première tous ses devoirs envers nous ; elle a aussi la première brisé les faibles liens qui auraient pu nous<br />

attacher et nous retenir[...]<br />

Juan Pablo Viscardo y Guzmán, Lettre aux Espagnols américains. Par un de leurs compatriotes,<br />

Londres : Philadelphie, 1799.<br />

AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES<br />

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