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,,Texte Philosophie esthétique, José Vasconcelos<br />

La création entière repose dans le sein de Dieu, comme les couleurs de l’arc-en-ciel dans la lumière<br />

blanche qui les concentre et les contient ; elles y restent invisibles tant qu’elles ne trouvent pas la clé de leur<br />

déploiement dans les gouttes de la rosée ou le prisme du laboratoire. La lumière neutre est, en apparence,<br />

le rayon blanc ; en réalité, c’est le récipient de la puissance génétique, éternelle, la possibilité permanente du<br />

miracle de la diversification qu’est l’arc-en-ciel. Ce rayon blanc est, à la vérité, une lumière porteuse de vie et de<br />

son innocente progéniture de couleurs. Chaque couleur est un être particulier, dont l’existence dépend d’accords<br />

précis, parfaitement mesurés et connus, des ondes d’énergie. Seuls les ignorants ou les oisifs cherchent des<br />

essences dans les couleurs, comme lorsque du vert ils déduisent la “verdure”, etc. – divagations et vains<br />

bavardages qui entravent notre communication directe avec l’être. En apparence, les couleurs de l’arc-en-ciel<br />

s’effacent quand la nuée se dissipe, mais nous les retrouvons chaque fois que la goutte d’eau ou le prisme<br />

leur donne l’occasion de fuir le rayon blanc qui est pour elles foyer autant que prison. Peut-être la mort est-elle<br />

aussi capable, en déracinant les âmes, de les remettre à l’esprit où elles trouveront l’éclosion mystérieuse de la<br />

rédemption. La différence est qu’en sortant de leur prison corporelle, les âmes échappent au cycle de la vie et de<br />

la mort pour se lancer dans leur nouvelle destinée de perdition ou de salut. La nature ne travaille pas seulement<br />

pour la mort mais également pour la vie, et si un groupe d’êtres comme celui des couleurs, contenues dans<br />

la lumière ordinaire, y trouve refuge contre la dispersion définitive, sa garantie de résurrection, répétée chaque<br />

fois que le prisme les invite à briller, pourquoi l’idée que l’âme se réfugie momentanément dans la mort pour<br />

rejoindre ensuite l’élément d’où elle procède – le Verbe qui l’aurait créée – et s’installer ensuite dans l’éternité,<br />

ne serait-elle pas légitime ? Parmi les couleurs, le blanc n’est pas la mort. Bien que le blanc les absorbe, les<br />

couleurs y subsistent et s’y rassemblent dans l’attente de nouvelles apparitions qui enrichiront la variété de l’être.<br />

La question de savoir quelle sera la nouvelle enveloppe des âmes, leur texture, aérienne et resplendissante ou<br />

intangible bien que d’apparence matérielle, est secondaire ; ce qui nous intéresse, c’est de capter les analogies<br />

qui nous font croire en son immortalité. Comme les couleurs de l’arc-en-ciel, non seulement les âmes, mais aussi<br />

la création tout entière se trouvent subordonnées au jeu qui, dans les mains du Créateur, déploie son prisme<br />

original. L’Être suprême se réjouit de sa création, et c’est pourquoi il la reproduit à travers les âges, dans le repli<br />

des mondes et dans l’amour qui englobe l’ensemble des créatures, et sauve ces pauvres imitations du Créateur<br />

que sont les hommes.<br />

C’est pourquoi, si penser signifie prêter attention à toutes les formes du cosmos, il faut en conclure que penser<br />

consiste à suivre le jeu des éléments du cosmos. Dieu a créé le monde en jouant : toute création est un plaisir. Il<br />

n’est pas certain que le Créateur se soit reposé le septième jour ; le dernier jour, il s’est réjoui de l’élan créatif des<br />

jours précédents. Sur la face divine rayonne le sourire. Cela implique que le philosophe de la vérité doit être clair<br />

et jovial. Certes, la vérité est parfois terrible : la Dies irae, la colère divine, qui côtoie les louanges et les béatitudes,<br />

mais qui se justifie par le péché, ces dérèglements qui contaminent parfois la nature elle-même. Mais la vérité<br />

,,<br />

est<br />

claire et simple, la méthode scientifique le démontre : entre deux hypothèses de loi naturelle, la plus simple est<br />

presque toujours la vraie, la plus directe et la plus facile.<br />

José Vasconcelos, Filosofía estética, México : Editorial Trillas, 2009.<br />

Traduction de l’extrait en français par l’UNESCO.<br />

AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES<br />

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