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Sud-Sud

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III<br />

FORMES POLITIQUES DU VIVRE ENSEMBLE<br />

INTRODUCTION<br />

Cette partie comprend trois textes essentiels. Le premier de ces textes intitulé « Instructions données au<br />

vizir Rekhmiré », remonte à la XVIII e dynastie égyptienne (−1550-1292). Il s’agit d’un document funéraire<br />

autobiographique qui raconte la cérémonie de prise de fonction du vizir Rekhmiré, sous le roi Thoutmosis II.<br />

La XVIII e dynastie correspond à l’apogée de la civilisation égyptienne. La maturité civique qui s’observe à<br />

cette époque explique les tentatives précoces d’établissement d’un espace public gouverné par les principes<br />

de la raison. Une attention particulière est accordée à la définition des normes juridiques et des lois morales<br />

conformes aux principes de Maât (Vérité-Justice). Là réside la grande nouveauté philosophique et culturelle<br />

de ce texte. Car, sans l’existence, au cours de cette époque, d’un authentique espace public régulé par le<br />

principe de la Vérité-Justice, l’idée originale selon laquelle tout magistrat doit exercer à visage découvert serait<br />

totalement inintelligible. Dans ce texte, les choses se passent comme si l’État et la magistrature étaient placés<br />

en permanence sous le contrôle non seulement des justiciables, mais aussi de l’opinion publique tout entière.<br />

C’est le concept philosophique de Maât qui seul, rend possible l’exigence de critique du pouvoir d’État et<br />

pose la question fondamentale du dictamen de la conscience, des obligations morales, des lois politiques<br />

et des devoirs à l’égard de la personne humaine. Le texte insiste sur le devoir de prévenance à l’égard des<br />

justiciables, l’exigence de fermeté qui doit impliquer non la terreur, mais la douceur.<br />

Le souci de la personne humaine constitue l’essentiel du deuxième texte intitulé : « La Charte du Mandé : la<br />

Déclaration mandingue des droits de l’homme ». Ce document, également connu sous le nom de « Charte du<br />

Kouroukan Fouga », est entré dans le programme des études juridiques des universités ouest-africaines. La<br />

Charte fut probablement édictée en 1236 après la victoire de Soundjata Keïta sur le roi Soumaworo Kanté, à<br />

l’origine de l’empire du Mali. C’est au cours d’un atelier organisé du 3 au 12 mars 1998 par le Centre d’études<br />

linguistiques et historiques par tradition orale (CELHTO) en Guinée, que la Charte du Kouroukan Fouga fut<br />

« redécouverte ». Déclamée à tour de rôle par neuf griots 28 , la Charte fut organisée en texte constitutionnel<br />

par Siriman Kouyaté, griot lui-même et par ailleurs Conseiller à la Cour d’appel de Kankan en Guinée Conakry.<br />

Manuel de philosophie : une perspective <strong>Sud</strong>-<strong>Sud</strong><br />

En plusieurs points, la Charte du Mandé rappelle l’esprit du texte de la Déclaration universelle des droits<br />

de l’homme. Sa redécouverte au XX e siècle par les milieux scientifiques africains constitue un événement<br />

philosophique et culturel majeur, au regard des buts affichés en matière de respect du droit à la vie et à<br />

l’alimentation. Le texte insiste en outre sur la protection des libertés d’expression, d’association et d’action. Ces<br />

dernières libertés conditionnent toutes les autres, en particulier la liberté de pensée et la liberté de disposer de<br />

sa propre personne. La disposition portant sur l’abolition de l’esclavage est capitale puisque la Charte affirme<br />

que cette pratique avilit la personne humaine et la dépouille de sa dignité. L’autre disposition importante, de<br />

portée philosophique et politique indéniable, concerne l’éducation des enfants, dont le but est de les préparer<br />

à la coopération et à l’échange social, seuls à même de favoriser, plus tard, le partage des valeurs communes.<br />

28<br />

En Afrique subsaharienne, le griot est un poète-musicien ambulant. On lui attribue généralement des pouvoirs surnaturels. Voilà pourquoi il jouit<br />

d’une très grande liberté de parole.<br />

36

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