Sud-Sud
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Commentaire<br />
Le texte Apologie rassemble l’essentiel des arguments que Las Casas opposa à Ginés de Sepúlveda lors<br />
de la Controverse de Valladolid. Le Sévillan cherchait à discréditer la thèse d’une juste guerre contre les<br />
Indiens d’Amérique ; Sepúlveda, qui ne connaissait pas l’Amérique, soutenait que la présence de la Couronne<br />
dans le Nouveau Monde était nécessaire, car les Indiens étaient des barbares peu civilisés, incapables de se<br />
gouverner. Sepúlveda entendait la barbarie au sens propre du terme : des hommes rustres, inaptes à toute<br />
organisation politique et dépourvus de lois.<br />
Las Casas rejeta ce réquisitoire, arguant que la barbarie au sens propre ne s’observait qu’en de rares occasions,<br />
et que, dans le cas des Indiens, on ne pouvait tout au plus parler que de barbarie par accident, comprise<br />
au sens plus large de privation : privation du langage, d’une certaine culture, de la foi. Ces privations étant<br />
d’origine accidentelle, elles n’affectaient pas la nature rationnelle.<br />
Il reconnaissait de la sorte que les Indiens étaient capables de se gouverner, possédaient des lois et des<br />
valeurs. Leurs royaumes étaient légitimes, car fondés sur des lois garantes de la paix. Là encore, la nature est<br />
l’argument définitif, unique opportunité d’échange qui permette la communication interculturelle.<br />
La présence de la Couronne ne se justifiait alors que par un souci d’évangélisation et non dans une perspective<br />
de domination politique ou économique.<br />
Dans De Regia Potestate, l’auteur a mûri sa pensée et ne limite plus son argumentation au seul cas des<br />
Indiens : sa réflexion acquiert une dimension universelle. Le texte démontre la liberté naturelle des hommes qui,<br />
du fait de leur dignité et de leur allodialité (ils n’ont pas de prix et, partant, ne peuvent être ni achetés ni vendus)<br />
ne sont la propriété de personne. Dans ce sens, Las Casas soutient que tout être doué de raison, c’est-à-dire<br />
tout homme, est par nature libre, en vertu d’un droit naturel. Sa condition d’être rationnel exclut que l’homme<br />
se soumette à un autre.<br />
La liberté est un attribut intrinsèque de l’homme, car la raison ne se soumet qu’à soi-même. Cet attribut de l’être<br />
humain repose sur sa nature rationnelle, qui le place au-dessus de toute autre créature vivant sur la terre.<br />
La servitude est donc considérée comme une conséquence accidentelle de l’histoire : elle ne résulte pas directement<br />
de la nature rationnelle de l’homme mais de certaines circonstances historiques, telles que dettes, guerres, etc.<br />
C’est pourquoi, en l’absence de circonstances justifiant l’asservissement, force est d’admettre la liberté intrinsèque<br />
de tous les hommes. L’auteur affirme ainsi l’égalité des hommes face aux désordres de l’histoire.<br />
Las Casas suggère d’agir en faveur de la liberté et en accord avec elle. Tel est le principe d’organisation<br />
politique sur lequel se fonde son raisonnement.<br />
Questions<br />
1 Quelle thèse défendait Juan Ginés de Sepúlveda ?<br />
2 Quels étaient les arguments mis en avant par Bartolomé de Las Casas pour réfuter cette thèse ?<br />
Activité pédagogique<br />
Essayer de mettre en scène et de jouer entre vous les rôles de Bartolomé de Las Casas et Juan Ginés de<br />
Sepúlveda. Au terme de la représentation, mener une réflexion sur l’impact de cette dynamique historique<br />
que vous avez interprétée en débattant entre vous de la question suivante : les Européens ont-ils « découvert »<br />
l’Amérique ?<br />
AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES<br />
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