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— Je me suis perdu, avouai-je en essayant de nettoyer mon pantalon. J’étais en colère.<br />
Il y eut un instant de silen<strong>ce</strong>. Il digéra le fait qu’un loup puisse se perdre, puis réalisa, comme<br />
toujours, que je n’en étais pas un. Je connaissais bien <strong>ce</strong>tte petite p<strong>au</strong>se méditative. Je la détestais.<br />
— Tu sens le sang, renifla-t-il.<br />
Tout à son honneur, nulle gourmandise ne perçait dans sa voix. Je grimaçai.<br />
— Ils m’ont mis une raclée.<br />
— Qui « ils » et pourquoi ?<br />
— Mes copains. Par<strong>ce</strong> que je suis meilleur en classe qu’eux. Le semi soupira.<br />
— Des gens qui te tapent dessus, je n’appelle pas ça des copains.<br />
— Moi non plus, grognai-je. Plus maintenant.<br />
Les loups m’avaient éduqué. Bien plus que les humains, les loups ont besoin de vivre en commun<strong>au</strong>té.<br />
Aussi, me voir rejeté du groupe m’était insupportable.<br />
— Raconte-moi un peu ta vie, demanda dou<strong>ce</strong>ment Axel.<br />
Sa compassion me fit monter les larmes <strong>au</strong>x yeux et je les essuyai rageusement.<br />
— Pourquoi ? Pour que tu puisses l’utiliser contre mon grand-père ? Le semi souffla par les narines, un<br />
moyen pour les loups d’exprimer leur aga<strong>ce</strong>ment.<br />
— Non. Par<strong>ce</strong> que je n’aime pas ne pas comprendre et que là, je ne comprends pas. Je ne te comprends<br />
pas.<br />
Je finis par céder sous son regard patient. Je commençai à me confier lentement, puis <strong>ce</strong> fut comme si<br />
une énorme tumeur pleine de boue se vidait par ma bouche. Toute ma frustration, ma tristesse, ma colère<br />
sortirent de moi <strong>ce</strong>tte nuit-là.<br />
Ce fut long. Une bonne partie de la nuit. Il ne pouvait pas se retransformer avant que la lune ne soit<br />
couchée et n’avait que peu chassé, mais il m’écouta. Et <strong>ce</strong>la me fit un bien fou.<br />
Je lui racontai une partie de ma vie, pas la totalité. Personne d’<strong>au</strong>tre que le clan n’était <strong>au</strong> courant que<br />
maman était une rebrousse-temps. Je savais qu’elle était vivante, bien sûr, mais je n’avais été <strong>au</strong>torisé<br />
que depuis peu à aller la voir. De plus, la cicatri<strong>ce</strong> sur mon pou<strong>ce</strong>, que je caressais souvent, me rappelait<br />
à l’ordre. Je lui expliquai donc ma vie d’humain <strong>au</strong> milieu des garous. Évidemment, sans tous les<br />
éléments du problème, Axel ne pouvait juger.<br />
— Ils <strong>au</strong>raient dû te laisser partir chez tes grands-parents humains, laissa-t-il tomber à un moment. Tu<br />
ne seras jamais ac<strong>ce</strong>pté par les loups, c’est la pire bande de snobs que je connaisse !<br />
Quelques années plus tôt j’<strong>au</strong>rais sans doute protesté. Là, je restai muet. Par<strong>ce</strong> qu’il avait raison.<br />
Cela dit, nous avions dû mentir et annon<strong>ce</strong>r <strong>au</strong>x Jenkins que leur fille était morte. Cela leur avait brisé<br />
le cœur. Ils habitaient Miami et <strong>au</strong>raient bien voulu me voir plus souvent, mais les garous ne voulaient<br />
pas me laisser partir.