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cheveux de mi-loup.<br />

Je <strong>ce</strong>ssai enfin de lutter contre l’éviden<strong>ce</strong>. Contre <strong>ce</strong> qui risquait de me faire renier ma parole.<br />

J’étais amoureux. Et c’était douloureux.<br />

A partir du moment où je l’admis enfin, ma vision du monde se transforma. Je devins comme un<br />

damné. Le paradis était à portée de main, mais je n’avais pas le droit d’y toucher.<br />

C’était infernal. Comme une brûlure, un brasier ardent qui me consumait. Elle m’obsédait. Je me<br />

réveillais la nuit avec son visage devant les yeux et son parfum dans le nez. Je pris tellement de douches<br />

froides que Nanny protesta devant la note d’e<strong>au</strong>. Les week-ends étaient de longs moments de torture où je<br />

luttais contre moi- même pour ne pas l’appeler. Sous l’effet du manque, le lundi matin, avant de la voir,<br />

j’avais la bouche sèche et les mains tremblantes. Passer une journée près d’elle était un suppli<strong>ce</strong> et un<br />

enchantement. Tout me ravissait chez elle. La texture de ses cheveux si brillants et si doux, que<br />

j’effleurais en dou<strong>ce</strong>. La be<strong>au</strong>té de ses traits, mais <strong>au</strong>ssi de son âme. Tout était envoûtant chez elle. Ses<br />

mains, son corps, son long cou. Son nez droit et sa bouche pulpeuse. Son grand front et ses magnifiques<br />

yeux vert-gris. Elle était intelligente mais secrète. Drôle et pleine de courage. Je la faisais be<strong>au</strong>coup rire.<br />

C’était assez involontaire.<br />

Mes réactions lupins me trahissaient. J’avais donc à regret dû arrêter de renifler ma nourriture<br />

(Katerina avait failli s’étouffer), de haleter comme un imbécile, ou encore de retrousser les babines dès<br />

que je n’étais pas content. Ah, j’avais <strong>au</strong>ssi dû apprendre à ne plus réagir en un éclair dès qu’un objet<br />

volait vaguement dans ma direction et à ne pas l’attraper. Ben quoi, le réflexe de la baballe, vous n’avez<br />

jamais entendu parler ? Croyez-moi, pour un succédané de loup, vivre dans un endroit où les gens passent<br />

leur temps à s’envoyer des trucs, c’est très éprouvant.<br />

Mes réactions purement humaines n’étaient pas moins pathétiques. Je coupais des fleurs dans le<br />

jardin, qui mouraient environ deux secondes et demie après que je les ai cueillies. Vingt fois par jour, je<br />

me décidais à lui déclarer ma flamme. Et vingt fois, je renonçais. Je composais de m<strong>au</strong>vais poèmes pour<br />

elle, <strong>ce</strong> qui me faisait transpirer et torturait mes neurones.<br />

Ça donnait à peu près ça :<br />

Je me noie dans l’encre de tes yeux.<br />

S<strong>au</strong>f que ses yeux étaient verts, gris et dorés, pas super pratique. D’accord, donc :<br />

Je me noie dans l’encre verte de tes yeux.<br />

Min<strong>ce</strong>, il me fallait une rime en eu. Euh... « Peut » ? Et je voulais parler de mon cœur :<br />

Mon cœur hésite et bat comme il le peut.<br />

On se demande pourquoi il hésite <strong>ce</strong> foutu cœur. Le mien battait comme un métronome.<br />

Si loin, perdu, il meurt à petits feux.<br />

Ça c’était vrai, s<strong>au</strong>f qu’on se voyait tous les jours. Et que je n’étais pas du tout perdu.<br />

Brûlant mon âme comme si c’était un jeu.<br />

Aïe, aïe, aïe, c’était débile.

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