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Livre - Stop Gavage

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L’INRA au secours du foie gras<br />

128<br />

Le rôle d’expert contraint un chercheur<br />

à transgresser les limites de sa science<br />

La première difficulté est inhérente à tout travail d’expertise. Philippe Roqueplo, « expert en expertise 2 »,<br />

analyse les raisons pour lesquelles les experts expriment nécessairement leur point de vue personnel,<br />

subjectif, sur les questions qui leur sont posées :<br />

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Philippe Roqueplo, Entre savoir et décision, l’expertise scientifique, INRA Éditions, collection « Sciences en<br />

questions », 1997, pages 36-37 et 45<br />

Or, en matière d’idéologie et de solidarités, les zootechniciens et autres experts en élevage sont en<br />

contact étroit avec le monde agricole. Ils sont de ce fait perméables à ses valeurs : un certain nombre de<br />

ces experts partagent aussi avec les professionnels (ou leurs représentants) la rhétorique associée à la<br />

défense des valeurs et intérêts de ces derniers. C’est le cas par exemple de l’usage péjoratif du terme<br />

« anthropomorphisme », sorte d’épouvantail supposé, par son énoncé même, rendre suspecte toute<br />

préoccupation pour les animaux.<br />

Nous avons vu comment les chercheurs de l’INRA dénigrent la position des associations de protection<br />

animale, tout en jetant le doute sur la réalité ou la légitimité de la « demande sociale » de bien-être animal.<br />

Ils le font en usant de leur autorité de scientifiques, en se prévalant de « l’objectivité » qui distinguerait<br />

leur position des autres positions en présence (cf. chapitre 5). Ne seraient-ils pas plutôt, pour reprendre<br />

les termes de Philippe Roqueplo, dans la situation de ces experts amenés à « transgresser les limites de<br />

[leur] science » et à mobiliser des croyances, convictions, idéologies, préjugés, solidarités, qui, dans le cas<br />

présent, pour des raisons tant sociologiques qu’économiques, les conduisent à produire les conclusions<br />

souhaitées par la filière du foie gras ?<br />

La difficulté épistémologique à appréhender<br />

la sensibilité dans les sciences<br />

En l’état actuel de nos connaissances, la compréhension du phénomène de la sensibilité nous échappe.<br />

Les philosophes ne sont pas venus à bout du problème dit « matière-esprit ». Les scientifiques ne savent<br />

pas intégrer la conscience dans leurs schémas conceptuels fondamentaux. Comme l’écrit la biologiste<br />

Marian Dawkins :<br />

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Marian Stamp Dawkins, Through Our Eyes Only? The Search for Animal Consciousness, Oxford University Press, 2003,<br />

pages 7-8, souligné par nous<br />

2. Titre de la préface de Raphaël Larrère (INRA) du livre de Philippe Roqueplo, Entre savoir et décision, l’expertise scientifique, INRA<br />

Éditions, collection « Sciences en questions », 1997.<br />

3. “And out of all the questions that still remain to be answered in biology, the deepest and most mystifying of all is that of consciousness:<br />

why is that we have this inner life of awareness, inaccessible to anyone else but of such importance to each one of us?<br />

(…) Nobody would question that it is advantageous for animals to have ways of avoiding damage to themselves (...). But why do they<br />

have to be conscious to do it? After all, we accomplish a great deal unconsciously (…). What does conscious experience add? Why<br />

does pain have to hurt?”

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