cafe63 - Café pédagogique
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Editorial : Dérive au ministère ?<br />
- Bruno Devauchelle -<br />
A plusieurs reprises, au cours des derniers mois, le ministère de l'éducation a, à propos des<br />
TIC, dévoilé un visage auquel nous étions peu habitués. En effet il se transforme<br />
progressivement en agence de soutien aux entreprises du secteur informatique, éducatif ou<br />
périphérique. Citons quelques exemples comme le portable à 1 euro, la promotion de<br />
l’éducation citoyenne par "Le tour de France des collèges" avec la société Calysto ou encore,<br />
et c’est plus ancien, la promotion des entreprises qui vendent des " biens éducatifs ".<br />
Quand on lit les articles publiés à propos de ces opérations, on s'aperçoit que le ministère se<br />
fait régulièrement le promoteur d'entreprises dont il a retenu les produits. On peut comprendre<br />
le souhait de voir les entreprises tenir une juste place dans le domaine de l’éducation. Mais on<br />
peut s’étonner d’observer un mélange des genres, voire même le contournement de la mission<br />
éducative même des enseignants. C'est le cas pour "Le tour de France des collèges" par<br />
exemple. Parmi les derniers faits observés, citons les tapis de souris qui alertent les enfants sur<br />
les dangers de l'Internet sponsorisés par des marques, l'analyse de l'évolution de l'édition de<br />
contenu sur le web qui amène le ministère à déclarer qu'il faut avant tout soutenir l'édition,<br />
mais pas les associations d’enseignants qui oeuvrent dans le domaine, et enfin plutôt<br />
symptomatique, l'abandon de l'université d'été de Hourtin pourtant référence dans plusieurs<br />
milieux professionnels (directeurs de la communication des entreprises, journalistes<br />
professionnels etc...) par manque de financement.<br />
S'il est clair qu'un ministère ne peut ignorer les acteurs économiques, doit-il pour autant se<br />
charger de faire leur promotion allant même jusqu'à les substituer aux enseignants comme le<br />
montre le contrat passé avec cette société appelée Calysto : "Montée par l'agence de conseil<br />
Internet Calysto, cette opération résulte d'un partenariat entre le ministère de l'éducation<br />
nationale et des acteurs privés visant, selon les mots de l'ex-ministre François Fillon dans<br />
l'édito du guide distribué aux élèves, à "construire les règles de prudence et de civilité qui<br />
s'imposent pour un usage confiant et responsable de l'Internet". (le Monde, 7 avril 2005) ?<br />
La définition d'un partenariat est d'associer deux personnes ou entités qui chacune par leur<br />
compétence tendent à travailler sur un objet commun. Or on n'est pas dans le partenariat<br />
lorsque l'un des deux partenaires se substitue à l'autre. Ainsi comment le ministère peut-il se<br />
féliciter de la réussite de "l'ordinateur à 1 euro" alors qu'il n'a rien fait d'autre que de faire<br />
payer des entreprises pour leur faire de la publicité (cf les pages de publicité dans divers<br />
journaux). Il se met à la place de l'entreprise dont le rôle est de vendre des machines. Par<br />
contre lorsque les entreprises (cf Calysto) se substituent aux enseignants et à leurs formateurs,<br />
on est plus du tout dans le partenariat.<br />
La dérive que nous observons est celle d'une logique qui tente de s'imposer, celle du résultat à<br />
court terme. Or en éducation, on peut toujours faire du médiatique sur le court terme, mais<br />
pour les résultat, seul le long terme est efficace. La logique du court terme est celle que des<br />
politiques tentent d'imposer à tous les secteurs de la société. L'éducation est actuellement en<br />
point de mire. Elle doit passer à une logique de résultat, alors qu'elle était pilotée par une<br />
logique de moyens.