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Guido Morpurgo-Tagliabue e l'estetica del Settecento - SIE - Società ...

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la nuit et mon opacité interne fusionne avec l’opacité externe. L’«inspect»(Jean Paulhan) se substitue alors à l’aspect: la présence sensibledes choses l’emporte sur la simple apparence. Plus de perspective possible,mais le sentiment d’une existence, irréductible au trompe-l’œil.A la nuit noire il faut cependant opposer la nuit lumineuse, celleque Péguy appelle «ma grande lumière sombre». De fait, l’obscuriténe prive pas nécessairement de toute la vision, mais déclenche un nouveautype de vision, marginal, biaisé ou «fourbe», comme disent lesastronomes, mobilisant des photorécepteurs propres, situés non aucentre de la rétine, mais sur sa périphérie. L’espace alors s’agrandit,ainsi qu’en témoigne un personnage de Giono: «comme le soleil neme trompe plus, je vois le large de tout, je vois beaucoup plus clairementqu’en plein jour» 8 . Loin de nous aveugler, la nuit ouvre l’espace,favorisant la rencontre avec des choses sous un angle imprévu etnouveau, tandis que le jour tend à les dissimuler sous des masquesutilitaires et pratiques.«Cette grande lumière sombre», l’électricité nous la fait sans douteaujourd’hui en partie méconnaître. Mais la peinture moderne ne cessed’en faire état par le refus systématique du point de fuite, de l’axonométrieou de la perspective atmosphérique qui provoque la sensationd’un espace dont nous n’avions aucunement l’idée. De quoi témoignentles vastes peintures de Rothko que les bords de la toile n’arrêtentpas. Point d’entrée dans un espace en profondeur, mais la manifestationd’un espace large en perpétuelle dilatation et contraction.La sensation d’infini y est incontestablement lié à l’extension de lavision marginale.Existe-t-il alors un régime nocturne de notre vie sensible et affectiveet de son pràttein qui se distinguerait radicalement du régimediurne ou s’y entremêlerait sans disparaître comme tel? Il me sembleen tout cas que l’acte esthétique, tel que j’en forme la fiction, a uneaffinité particulière avec ce régime pour des raisons qui tiennent à soncaractère toujours paradoxal: comme mixte non seulement d’activité etde passivité mais de vision et de non-vision, de perception et d’imagination,d’analyse et de gustation, d’extrême rigueur et de fantaisie, desagesse et d’ivresse.(3) Pourrai-je, cependant, avancer davantage en analysant ce qui seproduit dans l’acte esthétique non plus paysagiste, ni nocturne, maispictural? Dans quelle mesure le refus de réduire le tableau à une image,contrairement à l’amalgame que suggère l’anglais picture, permetilune approche plus féconde de la peinture et des processus psychiquesqui s’y déploient? Dans quelle mesure, face au tableau, l’imagepeut-elle apparaître comme un résidu, si intéressant soit-il, voire commeun alibi servant à dissimuler l’enjeu véritable qui serait celui <strong>del</strong>’homo pictor et de l’homo æstheticus ?96

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