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Le Livre du second

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des bourreaux, lorsque je me souvins avoir été banni, et être en<br />

route pour Thrax, où l’on avait besoin d’un vulgaire exécuteur<br />

des hautes œuvres. « Oui, dis-je, je suis un décapiteur, mais<br />

vous n’avez aucune raison d’avoir peur. Je n’exécute que les<br />

sentences pour lesquelles je suis appointé.<br />

— À demain, alors.<br />

— Oui, demain, nous aurons tout le temps de faire<br />

connaissance et de bavarder. »<br />

Puis je rêvai. Il se peut que les paroles de Baldanders n’aient<br />

été aussi qu’un rêve, mais je ne le crois pas ; et de toute façon le<br />

rêve que je fis ensuite était différent.<br />

J’étais en train de chevaucher un être énorme, aux ailes<br />

comme <strong>du</strong> cuir, sous un ciel bas. Nous glissions le long d’une<br />

colline d’air, à mi-distance entre la masse des nuages et un<br />

paysage crépusculaire. C’est à peine si le grand voilier, me<br />

sembla-t-il, battit une seule fois de ses ailes immenses<br />

parcourues de nervures comme des doigts. <strong>Le</strong> soleil se tenait à<br />

l’horizon, en face de nous, et nous devions voler aussi vite que<br />

tourne Teur car il y restait, immobile, alors que nous avancions<br />

constamment.<br />

Je finis par constater un changement dans le paysage, et<br />

pensai tout d’abord que nous étions au-dessus d’un désert. Si<br />

loin que portait le regard, il n’y avait ni villes ni fermes, ni<br />

champs ni même de forêts – rien qu’une éten<strong>du</strong>e plate d’une<br />

couleur pourpre foncé, sans rien qui se distinguât ; quelque<br />

chose de presque parfaitement statique. La bête aux ailes de<br />

cuir observait aussi le paysage, à moins qu’elle n’ait capté une<br />

odeur dans l’atmosphère. Je sentis sous moi ses muscles d’acier<br />

se tendre, et elle donna trois grands coups d’aile successifs.<br />

De minuscules taches blanches ponctuaient l’éten<strong>du</strong>e<br />

pourpre. Au bout d’un moment je pris conscience que toute<br />

cette apparente immobilité n’était qu’un trompe-l’œil engendré<br />

par l’uniformité : il y avait partout la même chose, mais partout<br />

elle était en mouvement. C’était l’océan, le fleuve des Mondes,<br />

Ouroboros, le berceau de Teur.<br />

C’est alors que, pour la première fois, je regardai derrière<br />

moi, et je vis tous les pays des hommes s’engouffrer dans<br />

l’obscurité de la nuit.<br />

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